Aller au contenu

Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/479

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 462 —

perdues. Paul III, en 1542, renouvelait l’inquisition, et en 1545, convoquait le Concile de Trente. Déjà la jeune Compagnie de Jésus commençait à mener campagne contre l’hérésie, à réveiller les âmes de leur engourdissement, à stimuler la piété catholique, à fonder ses premiers collèges. La situation était donc infiniment plus difficile pour Calvin qu’elle ne l’avait été pour Luther. Celui-ci avait profité de la surprise de l’ennemi ; celui-là le trouvait partout sur le qui-vive et en armes. Pour entreprendre contre lui une offensive efficace, il allait falloir déployer avec toutes les ressources de l’énergie, toutes celles de l’organisation.

Au reste, si les chances de la défense catholique vers le milieu du xvie siècle étaient bien plus grandes qu’en 1517, celles de l’attaque protestante de leur côté avaient augmenté. Partout la question religieuse se posait maintenant avec une netteté redoutable. Les convulsions de la guerre des paysans et de l’anabaptisme qui l’avaient tout d’abord voilée de revendications sociales, avaient cessé. Et on ne pouvait plus espérer d’autre part, qu’une conciliation fût encore possible avec l’Église. Il fallait donc se prononcer entre la foi ancienne et la nouvelle. Toutes deux réclamaient les âmes, les appelaient à elle, mais par cela même les obligeaient à un examen de conscience qui, chez beaucoup d’entre elles, amenait ce que les uns appelaient une apostasie, les autres une conversion. C’en était fait de cette religion d’habitude où l’on s’était endormi au xve siècle. Il s’agissait de se prononcer dans un débat où la question du salut éternel était en jeu et, suivant sa décision, chacun se classait dans un des deux camps en présence et devait se préparer à la lutte. La conviction personnelle, on l’a vu plus haut, avait joué un rôle très secondaire dans la diffusion autoritaire du luthéranisme ; elle en joue un immense dans celle du calvinisme qui ne peut compter pour vaincre que sur l’adhésion de ses fidèles.

La constitution sociale du xvie siècle n’a pas laissé de lui venir en aide. Le capitalisme, que gênaient les restrictions mises par l’Église au commerce de l’argent et à la spéculation, lui a sûrement fourni l’adhésion inconsciente de bon nombre d’entrepreneurs et de gens d’affaires. Il ne faut pas oublier ici que Calvin a reconnu la légitimité du prêt à intérêt, que Luther, fidèle en cela comme en tant d’autres choses à la théologie traditionnelle, condamnait encore. Les premières ressources mises à la disposition de l’Église nouvelle pour couvrir ses frais de propagande, si l’on peut employer ici une expression très moderne mais qui répond parfaitement à la