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Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/121

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V

Et maintenant qu’en est-il de la volonté libre ? Y a-t-il place encore pour elle à côté de la causalité qui englobe tout ? Au moment où nous en venons à cette question, la dernière et la plus importante de celles que nous étudions ici, je signalerai d’abord une circonstance frappante et qui nous donnera, en tout cas, toutes sortes de choses à penser en cette occurrence.

Si l’aveugle hasard et le prodige doivent, comme nous l’avons vu tout à l’heure, être radicalement exclus de la science, elle n’en a que plus d’occasions de s’occuper de la croyance aux prodiges. Cette croyance jouit en effet depuis toujours dans l’ensemble de l’humanité de la plus large diffusion : c’est un fait notoire, et dont les manifestations se renouvellent sans cesse tout le long des siècles, sous des formes innombrables. Comme tel, il exige d’une façon pressante une explication scientifique et par conséquent causale. La croyance aux prodiges représente, comme l’on sait, dans l’histoire de la civilisation humaine une puissance véritable et d’une énorme importance. Elle a été la source d’une multitude de bénédictions, elle a inspiré de nobles âmes, les actions les plus grandes, les plus héroïques. Elle a aussi, je l’avoue, surtout lorsqu’elle s’est tournée au fanatisme, causé des maux sans mesure, dévasté des régions entières, sacrifié d’innombrables innocents.

Selon les données que nous ont fourni jusqu’ici nos considérations, il faudrait maintenant s’attendre précisément à ce que les progrès de la connaissance scientifique et sa diffusion croissante chez tous les peuples civilisés du globe dressent peu à peu contre la croyance aux prodiges une digue de plus en plus haute et forte à mesure que le temps s’écoule ; or il n’y a trace de rien de tel, au contraire. Notre temps qui se vante si fort de faire des progrès est justement celui où la croyance aux prodiges, sous les forces les plus diverses comme l’occultisme, le spiritisme, la théosophie et mille autres variétés de quelque nom qu’on les décore, étend de plus en plus ses ravages, en dépit des tentatives opiniâtres que, du côté de la science, on a diri-