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Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/122

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gées contre elle en vue de la repousser. Par contre, les efforts de la ligue moniste appelée à la vie, il y a plusieurs années, au bruit d’éclatantes fanfares, dans le but de contribuer à faire accepter partout une conception établie sur des bases purement scientifiques n’ont obtenu qu’un succès tout à fait mesquin en comparaison.

Comment expliquer ce fait singulier ? Y aurait-il, en fin de compte, au fond de la croyance aux prodiges, quelque bizarres et insoutenables formes qu’elle puisse souvent revêtir, un élément qui se justifie ? Se pourrait-il que la science n’eût pas, dans toutes les questions, le dernier mot ? Ou, pour parler plus clairement, faudrait-il, en un point quelconque, opposer aux conceptions purement causales une barrière solide qu’elles ne puissent pas franchir ?

Ces questions nous placent juste au cœur du problème que nous discutons aujourd’hui et nous n’avons plus besoin maintenant de chercher bien loin la réponse, elle est déjà contenue dans ce qui précède.

En fait, il y a un point dans le vaste monde incommensurable de la nature et de l’esprit, un seul et unique point qui est et demeure toujours inaccessible non seulement pratiquement, mais encore logiquement, à toute considération causale ; ce point c’est notre propre moi. Un point minuscule, comme je l’ai dit dans l’étendue du monde et pourtant, un monde aussi. Oui, c’est un monde tout entier, le monde qui englobe tout l’ensemble de ce que nous voulons et pensons, le monde qui recèle à côté de la plus profonde souffrance, la plus haute béatitude ; l’unique domaine dont aucune des forces du destin ne puisse nous arracher la possession et que nous n’abandonnerons un jour qu’avec notre vie même.

Ce n’est pas que notre monde soit soustrait dans son ensemble à toute considération causale. En principe, rien absolument ne nous empêche de saisir nous-mêmes, sans cesse, n’importe laquelle de nos propres expériences vitales dans sa stricte nécessité causale. Mais, pour cela, une condition très lourde s’impose inéluctablement : il faut que depuis cette expérience nous soyons devenus énormément plus prudents ; si prudents que nous puissions nous sentir à l’égard de l’état où nous trouvions alors dans la situation d’un observateur microscopiste et d’un esprit