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Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/126

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pensée et renier la pensée implique le reniement de toute religion. Une telle religion, alors aboutit logiquement à la négation de sa propre valeur. Qui ne veut accepter cette simple conclusion doit tenir pour possible, ou bien la pensée sans la vie, ou bien la religion sans la pensée. Deux conceptions qui me semblent trop étranges, pour que je m’y arrête plus longtemps.

L’idée que, même dans notre activité morale, nous sommes soumis à des lois causales déterminées, que nous ne pouvons à vrai dire pas reconnaître sur-le-champ, n’est pas seulement d’importance pour la connaissance scientifique, elle peut aussi nous rendre de précieux services dans la vie pratique lorsque nous nous efforçons de saisir tant bien que mal et après coup d’un point de vue causal des actes que nous avons accomplis, particulièrement quand ces actes viennent à nous faire du mal par la suite, à cause des conséquences nuisibles qu’ils ont engendrées contre notre attente et contre nos intentions. Il est, certes, périlleux, à certains égards, de se plonger dans des considérations trop profondes sur des événements regrettables, mais déjà passés et que l’on ne peut modifier en rien. Mais il se peut toutefois, d’autre part, que ce soit pour nous un allègement réel et qui contribue à l’adoucissement de notre chagrin de voir clairement après coup que dans les circonstances d’alors, étant donné notre état d’âme, il ne pouvait y avoir aucun motif déterminant en dehors de ceux-là mêmes qui ont déterminé notre conduite. Que si cela ne change rien aux suites regrettables de nos actes, en fait nous resterons tout de même plus tranquilles devant le cours entier des choses et nous nous épargnerons notamment l’amertume et le remords, dont bien des hommes en pareil cas se tourmentent toute leur vie.

De longtemps encore, cela ne nous rendra pas fatalistes. Il y a, sans doute, pour les esprits superficiels, un sophisme séduisant pour sa commodité ; mais d’autant plus dangereux pour la vie pratique, un courant de pensée qui, sous le couvert d’une application sans limites de la loi de causalité, tend à affaiblir ou même à nier tout à fait le concept de la responsabilité morale ; la plus puissante sauvegarde contre de tels égarements moraux sera toujours pour chacun la voix de sa propre conscience. Celui-là