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Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/37

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n’ait aperçu la planète dans sa lunette. Il n’y a pas de méthode de mesure en physique qui ne comporte une part de connaissance d’ordre inductif. Le moindre coup d’œil jeté sur un laboratoire de précision suffirait en effet à mettre en évidence la somme de lois expérimentales et de raisonnements qui est présupposée à toute mesure, même la plus simple en apparence.

Maintenant nous avons encore à nous demander pourquoi la théorie de la connaissance de Mach a obtenu tant de succès dans le monde scientifique. Si je ne m’abuse, c’est parce que elle est au fond une sorte de réaction consécutive à la déception des vastes espérances conçues par la génération qui nous a précédés après la découverte du principe de la conservation de l’énergie. On peut trouver ces espoirs sous une forme particulièrement explicite, dans les ouvrages de du Bois-Reymond, entre autres. En parlant d’espoirs déçus, je ne veux d’ailleurs pas dire qu’ils n’aient été suivis d’aucune réalisation durable, la théorie cinétique des gaz est un exemple du contraire ; je prétends seulement que l’avenir a montré qu’ils étaient exagérés, car la physique par là même qu’elle a fait appel à la statistique a renoncé à édifier une mécanique complète des atomes. Le positivisme de Mach n’est que le contrecoup sur la philosophie de la désillusion qui devait nécessairement succéder à la période d’enthousiasme.

On doit, certes, lui attribuer pleinement le mérite d’avoir montré dans la perception sensible le seul moyen d’échapper à l’envahissement du scepticisme. Mais il a dépassé la mesure, car en rabaissant les prétentions du mécanisme, il a dégradé en même temps l’idée que la physique doit se faire de l’univers.

Tout convaincu que je sois de ce que le système de Mach, avec toutes les conséquences qu’il comporte logiquement, ne renferme aucune contradiction interne, je n’en suis pas moins persuadé qu’il n’a au fond qu’une signification purement formelle. Il est incapable de pénétrer jusqu’à l’essence de la science et cela parce qu’il ne tend pas vers ce qui est le but de toute recherche scientifique, je veux dire vers la construction d’un système descriptif de l’univers qui soit rigoureusement stable, indépendant des mutations affectant les générations et les peuples. Le