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Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/38

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principe de continuité de Mach ne saurait suppléer à ce qui manque à son système à cet égard, car la continuité n’est pas la constance.

Une conception stable de l’univers tel est le but dont toute science véritable, j’ai tâché de le démontrer plus haut, doit tenter de se rapprocher au cours de ses pérégrinations. Il est donc tout à fait légitime d’affirmer, dès maintenant, que notre conception actuelle de l’univers, bien qu’elle revête encore les nuances les plus variées suivant l’individualité des savants, renferme cependant certains traits définitifs qui ne seront jamais détruits par aucune révolution, ni dans la nature, ni dans l’esprit humain. Ce noyau absolument immuable et indépendant de toute individualité, que ce soit celle de l’homme ou celle de tout autre être intelligent, est-ce que nous nommons le réel. En ce sens, y a-t-il aujourd’hui un physicien qui doute sérieusement de la réalité du principe de la conservation de l’énergie ? Ne serait-ce pas, au contraire, la reconnaissance de la réalité de ce principe qui serait la condition sine qua non de la validité de tout jugement dans l’ordre scientifique ?

Cependant, s’il s’agissait de savoir jusqu’à quel point on doit se tenir pour assuré que nos conceptions actuelles cadrent bien, au mains en gros, avec l’idée que la physique future se fera de l’univers, je ne saurais donner aucune réponse générale précise. La plus grande prudence est ici de mise, mais une telle question n’est pour nous que secondaire, ce qui importe, c’est d’avoir montré, qu’il y a un but permanent dont nous nous rapprochons bien que nous ne puissions jamais l’atteindre complètement. Ce but, ce n’est pas d’établir une coordination parfaite entre nos pensées et nos sensations, c’est d’éliminer de nos idées sur l’univers tout ce qui est propre à l’individualité de l’esprit qui les conçoit. En disant ceci, remarquons-le, nous ne faisons que répéter, en le précisant, ce que nous avons exposé plus haut au sujet de l’émancipation de la science de tous ses éléments anthropomorphiques. Cette précision était nécessaire pour éviter tout malentendu ; car il ne faudrait pas comprendre que l’on doive radicalement séparer la représentation du monde, de l’esprit qui conçoit cette représentation : rien ne serait plus insensé.