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Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/56

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on établir de véritables lois pour ces phénomènes dont le cours est, semble-t-il pour le moment, sous tous les rapports, livré au hasard le plus aveugle ? Le moyen en a été fourni par une science qui depuis longtemps déjà a trouvé des applications dans les sciences sociales. Cette science, n’est autre que la méthode statistique. La physique, elle aussi, a su l’apprécier et elle l’a utilisée avec un succès toujours grandissant depuis la seconde moitié du siècle dernier. La méthode en question relève de considérations tout à fait différentes de l’idée de causalité pure et son développement conditionne de la façon la plus étroite l’évolution de la physique moderne. Au lieu de s’évertuer à découvrir les lois dynamiques obscures régissant le détail compliqué des phénomènes, on se contente, pour un phénomène donné, de rassembler le résultat d’observations éparses répétées un grand nombre de fois. Ceci fait, pour chaque catégorie de résultats, on calcule la moyenne des valeurs trouvées. Or on peut découvrir pour ces moyennes des règles expérimentales, variables selon les circonstances, qui permettent de prévoir le cours futur des phénomènes. Cette prédiction n’est jamais, il est vrai, absolument certaine ; mais elle a une probabilité qui équivaut très souvent, en pratique, à la certitude et elle porte, non plus, sur le détail complexe des phénomènes qui n’a, le plus souvent, aucune importance, mais sur le comportement moyen de l’ensemble.

Cette méthode, avec son caractère, en somme provisoire, peut ne pas satisfaire notre besoin d’exactitude scientifique ; car ce besoin ne peut être apaisé que par la découverte du lien causal. On peut aussi la juger peu satisfaisante et n’éprouver aucune sympathie pour elle, mais il n’en reste pas moins vrai qu’elle est devenue pratiquement indispensable en physique, on ne pourrait y renoncer sans anéantir les conquêtes les plus récentes de cette science. D’ailleurs, il ne faut pas l’oublier, on n’a jamais affaire en physique à des grandeurs absolument déterminées ; car tout nombre exprimant le résultat d’une mesure est affecté d’une erreur possible. Vouloir ne tenir compte que de nombres précis sans admettre une certaine latitude d’erreur reviendrait donc à renoncer à l’utilisation rationnelle des résultats de la méthode inductive.