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Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/78

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et R. A. Millikan ont été conduits à attribuer une valeur un peu plus grande à la constante de Rutherford[1].

Il était bien plus malaisé de découvrir la signification de la deuxième constante universelle de la loi du rayonnement noir à laquelle mon premier calcul donnait pour valeur 6,55 × 10−27 ergs-seconde, et que je désignais sous le nom de quantum élémentaire d’action, parce qu’elle était le produit d’une énergie par un temps. D’une part, en effet, cette constante était absolument nécessaire pour obtenir la véritable valeur de l’entropie, car c’est grâce à elle seule qu’on pouvait déterminer les domaines ou intervalles indispensables pour le calcul de la probabilité[2] et, d’autre part, il était absolument impossible, en dépit des plus grands efforts, de la faire rentrer dans le cadre d’une théorie classique, quelle qu’elle fût. Tant qu’on pouvait traiter la constante comme un infiniment petit, c’est-à-dire dans le cas des grandes énergies ou des longs intervalles de temps, tout allait fort bien ; mais, dans le cas général, il y avait toujours un moment où l’on aboutissait à une solution de continuité d’autant plus infranchissable qu’on avait affaire à des oscillations plus faibles et plus rapides. Devant l’échec de tous les essais destinés à combler l’abîme, il devenait de plus en plus impossible d’échapper au dilemme suivant : ou bien toute ma série de déductions aboutissant à retrouver par le calcul la loi du rayonnement noir était par principe illusoire et n’était rien d’autre qu’un artifice de calcul sans portée réelle, ou bien une idée correspondant à quelque chose de physiquement réel présidait à toute cette déduction et par suite le quantum d’action devait jouer un rôle fondamental en physique. Dans la seconde alternative ce quantum représentait donc quelque chose d’absolument nouveau, d’insoupçonné jusqu’alors et qui semblait destiné à révolutionner une pensée physique basée sur la notion de continuité elle-même, inhérente à toutes les relations causales, depuis la découverte du calcul infinitésimal par Leibnitz et Newton.

L’expérience s’est prononcée pour la seconde alternative. Mais si la décision est intervenue aussi rapidement et aussi nettement ce n’est pas parce que la loi de répar-

  1. Cf. R. A. Millikan : Phys. Ztschr., vol. 14, p. 796 (1913).
  2. Le calcul de la probabilité d’un état physique repose, en effet, sur le dénombrement du nombre fini des cas particuliers également probables, par lesquels l’état considéré est réalisé et, pour la délimitation séparative de ces cas particuliers, il faut adopter un point de vue déterminé en ce qui concerne la notion de chaque cas particulier.