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Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/99

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la première fois, nous pouvons être étonnés à l’extrême ; si nous le voyons pour la dixième fois, nous le trouvons naturel et nous chercherons peut-être à démontrer qu’il ne pouvait pas ne pas se produire.

Il y a cent ans, la technique des transports ne connaissait comme source de force que l’homme et les animaux. Par suite, on ne croyait pas possible qu’il y en eût d’autres. Quels savoureux effets Fritz Reuter a tiré, dans son Voyage à Belligen, de l’étonnement où le brave paysan Karl Witt se trouve plongé, la première fois qu’il voit passer, sur une voie ferrée, une locomotive, si bien qu’il parie n’importe quoi qu’un cheval est caché dedans. Nos jeunes gens d’aujourd’hui, élevés au milieu des machines à vapeur et des moteurs électriques, ne peuvent plus guère goûter l’humour de cette manifestation naïve de la tendance que nous avons naturellement d’assigner à chaque fait sa cause.

Jusqu’ici, la théorie des sceptiques sur la nature de l’interdépendance causale des choses est donc compréhensible et justifiée. Examinons toutefois maintenant d’une façon plus exacte où cette théorie nous mène en fin de compte, si nous continuons à la suivre réellement, rigoureusement dans toutes ses conséquences. Avant tout, il faut considérer que lorsque nous parlons des perceptions immédiates de la conscience comme de l’unique source de la connaissance c’est toujours exclusivement de notre conscience propre qu’il s’agit. Que les autres hommes aient aussi des perceptions, nous ne pouvons que le conjecturer par analogie ; mais non le savoir immédiatement et, pas davantage, en fournir la preuve logique. Cela devient encore plus clair quand nous descendons de l’animalité supérieure à l’animalité inférieure et au monde des plantes, en nous demandant à chaque échelon si des perceptions y existent. Ou bien il nous faut admettre quelque part, plus ou moins arbitrairement, une interruption de la faculté de percevoir, ou bien nous devons accorder que les plantes et même, comme beaucoup le veulent, les êtres inanimés la possèdent. Qu’il soit impossible d’établir sur des fondements rigoureux une pareille théorie, cela est de toute évidence. Si nous voulons procéder d’une façon parfaitement logique et sans rien d’arbitraire, il ne nous reste