Aller au contenu

Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/458

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
PHÈDRE.

Que dis-tu, cher Socrate ? Un discours travaillé longtemps et à loisir par [228a] Lysias, le plus habile de nos écrivains, est-ce moi le moins éloquent des hommes, qui pourrais te le reproduire tout entier d’une manière digne de ce grand maître ? Certes, j’en suis bien loin et préférerais ce talent aux plus grandes richesses.

SOCRATE.

Phèdre, ou je connais parfaitement Phèdre, ou je ne me connais plus moi-même. Je le connais ; et je suis sûr qu’assistant à une lecture de Lysias, il ne s’est pas contenté de l’entendre une seule fois ; il a souvent prié le lecteur de recommencer, et celui-ci s’est empressé [228b] de le satisfaire. Cela même n’a pas été assez pour lui ; il a fini par s’emparer du cahier, pour relire ce qui l’avait le plus intéressé ; et, n’ayant fait autre chose toute la matinée, il est enfin sorti pour prendre l’air ; mais déjà, ou je me trompe fort, il savait par cœur l’ouvrage entier, à moins qu’il ne fût d’une longueur démesurée, et il ne sortait de la ville que pour y rêver tout à son aise. Il rencontre un malheureux tourmenté de la passion des beaux discours, et d’abord il s’applaudit d’avoir à qui faire partager son enthousiasme ; il l’entraîne avec lui ; cependant, quand on le