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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/28

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INTRODUCTION

cela par une adaptation postérieure, ne serait-ce pas exiger que Platon eût récrit entièrement à neuf le Thrasymaque primitif ?

Quant à son antériorité à l’égard du Gorgias, peut-on l’établir en s’appuyant précisément sur sa jeunesse stylistique ? Les efforts de von Arnim en ce sens ont laissé incrédules les gens du métier : la méthode stylistique, fondée sur la parenté linguistique plus ou moins grande des dialogues avec le dialogue de la vieillesse, les Lois, perd naturellement de sa sûreté à mesure qu’on s’éloigne de ce terme de référence et, dans les premiers dialogues, ne peut tout au plus constituer que des groupes. Aussi est-ce l’infériorité, signe pour lui d’antériorité, que von Arnim s’évertue à prouver[1], et nous savons qu’isolé du tout qu’il prépare, le Livre I ne peut se comparer au Gorgias sans lui paraître inférieur là où il est simplement différent. Mais plus nous le rapprocherons du Gorgias par sa date, plus nous le justifierons de ne pas lui ressembler et de ne pas vouloir lui ressembler, même s’il veut être un dialogue complet et qui se suffit à lui-même. À plus forte raison le justifierons-nous d’être autre, si sa manière propre lui est imposée par ce qui doit le suivre et ce qu’il prépare.

PREMIÈRE PARTIE : DÉFINITION DE LA JUSTICE

Distribution des rôles.

Ce n’est pas Thrasymaque seulement qui s’efface désormais et, sauf un court moment, reste muet jusqu’à la fin, Euthydème, Lysias, Charmide ne quitteront pas leur rôle de

    force dans le groupe et dans ses membres (I, 351 b) se retrouvera comme substance du livre IV, de même que la théorie de la fonction propre dans la définition de la justice au même livre.

  1. I. Wilamowitz (Platon II1, p. 181) accorde assez de confiance aux preuves stylistiques d’Arnim, mais voir, sur les Sprachliche Forschungen d’Arnim, C. Ritter dans G. Bursian’s Jahresbericht, Bd. 188 (1921), p. 99, 166, Bd. 191, p. 7 et son compte rendu de Platos Jugenddialoge dans Deutsche Literaturzeitung, 1916, p. 304-306. Sur l’infériorité de Rép. I, voir Jugenddialoge, p. 76-89. Arnim a voulu prouver aussi l’antériorité relativement au Gorgias en montrant (p. 80-87) que celui-ci dépend de Rép. I, et trahit sa dépendance en ceci, qu’il en prend des pensées étrangères à son orientation générale (v. g. la vertu propre). D.-H. Verdam l’a bien réfuté sur ce point (p. 308).