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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/29

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xxiii
INTRODUCTION

simples assistants, de pures ombres. Clitophon a pris la parole une fois et ne la reprendra plus. Le vieux Céphale est parti sitôt la discussion nouée. Son fils Polémarque n’interviendra désormais qu’une fois, dans la même occasion que Thrasymaque : il donnera précisément le signal des protestations et des supplications qui ramèneront Socrate au problème de la communauté des femmes (449 a, b). Dans tout son exposé sur la cité de justice, sur ses conditions de réalisation, sur ses déviations, Socrate n’aura plus que deux interlocuteurs alternants : Adimante et Glaucon. N’était-il pas naturel, pour une discussion qui deviendra progressivement un exposé presque continu, de ne conserver que le moins possible d’interlocuteurs, et surtout des disciples intimes, capables de suivre, de relancer et d’animer cet exposé sans le troubler ? N’était-il pas naturel aussi que ce discours sur la cité parfaite, sur la Gallipolis, n’eût comme « répondants » que des citoyens, de purs Athéniens ? Pour ce rôle d’honneur, Platon tient en réserve ses frères depuis le début du dialogue.

Adimante est venu avec Polémarque dans la jeune bande joyeuse qui somma Socrate de rester en leur compagnie jusqu’au soir. Glaucon est venu directement avec Socrate. Il a tenu, dans la grande discussion avec Thrasymaque, son « bout de rôle », en demandant à Socrate quel est ce châtiment dont sont menacés les justes lorsqu’ils fuient le pouvoir et en donnant sa prompte et ferme adhésion à la thèse que défend Socrate lui-même : le sort du juste est plus avantageux que celui de l’injuste. C’est son intervention qui rouvre le débat au moment où il paraissait clos ; c’est à lui que Socrate s’adressera, non seulement au cours de l’exposé qui occupe la dernière partie du neuvième Livre et tout le dixième, mais encore dans l’exhortation qui dégage la leçon du mythe et termine tout le dialogue. À côté du nom de Socrate, son nom ouvre et ferme, pour ainsi dire, la République, et, dans l’immense étendue de texte que comportent les Livres II-X, seul interlocuteur avec Adimante, il est, des deux, le principal, car il sert de répondant à Socrate pendant les deux tiers de son exposé. Mais cet empiétement du rôle de Glaucon sur celui d’Adimante ne se fait pas tout d’un coup, et leur alternance suit une progression curieuse.

Ils développent d’abord, l’un après l’autre, au début du second Livre, leur « interpellation », et somment Socrate