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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/130

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MINOS OU SUR LA LOI

humiliant pour nous, de connaître si bien tout ce qui concerne les soins du corps et d’être si peu éclairé quand il s’agit de l’âme ?

II

LA LÉGENDE DE MINOS

La légende de Minos est le centre du dialogue, peut-être même l’épisode pour lequel tout le reste a été construit, un peu comme l’histoire d’Hipparque dans le précédent dialogue.

Cette légende, comme celle d’Hipparque, comporte des versions très différentes que les historiens se sont efforcés d’expliquer : l’une d’elles est favorable au législateur et remonte aux poèmes épiques d’Homère et d’Hésiode. Elle représente Minos comme un roi très sage, très prudent, comme le confident de Zeus, qui allait tous les neuf ans dans l’antre du dieu recevoir les leçons et les ordres de son maître. Une version hostile, dont on attribue l’origine aux poètes tragiques, fait de Minos le tyran cruel, l’oppresseur d’Athènes qui réclamait à la ville tous les neuf ans le tribut de sept jeunes gens et de sept jeunes filles pour les livrer au farouche Minotaure[1].

Les historiens critiquent généralement cette dernière version et tâchent de retrouver, sous le revêtement mythique, la part de réalité. Mais d’assez nombreuses divergences prouvent que la légende restait flottante sur bien des points.

Témoignage
de Strabon,
X, 4, nos 18 et 19.

Strabon ne fait guère que reproduire le récit d’un historien de la première moitié du ive siècle, Éphore. « Au dire d’Éphore, rapporte-t-il, Minos avait voulu se montrer l’émule d’un ancien sage, nommé Rhada-

  1. Le tribut avait pour but d’apaiser le Minotaure et de le rendre bienveillant au roi de Crète. Si le dieu était satisfait, Minos acquérait pour neuf ans une nouvelle puissance. « Traduite en langage moderne, écrit M. G. Glotz, la légende semble dire que le roi-prêtre tenait ses pouvoirs d’une investiture religieuse, qu’il était nommé pour neuf ans et rééligible » (La Civilisation égéenne, Paris, la Renaissance du Livre, 1928, p. 173).