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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/280

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CLITOPHON

n’est-elle pas tout à fait dans la manière de Platon ? M. Rivaud écrivait récemment : « Le Protagoras, le Gorgias, le Banquet, le Phèdre contiennent des imitations de longs passages de Protagoras, d’Hippias, de Lysias, de Gorgias, où le style de ces écrivains est reproduit de telle manière, qu’on peut se demander si Platon n’a pas copié textuellement quelques morceaux de leur façon. Il a tout imité : le vocabulaire, le rythme, les artifices de style, les manières particulières de chacun. Il se peut qu’il y ait dans ces imitations une nuance de charge, insensible à notre ignorance des finesses de la prose grecque. En tout cas, la parodie est souvent discrète, à peine indiquée. Platon écrit, avec une habileté déconcertante, « à la manière » de tous ceux qu’il met en scène »[1]. Aux dialogues signalés, nous pourrions ajouter le Clitophon. L’observation du critique français convient bien exactement au joli pastiche, et sans doute des Athéniens du ve siècle, en lisant par exemple l’apostrophe Ποῖ φέρεσθε, ὤνθρωποι, n’étaient pas en peine de mettre un nom sous ces lignes et devinaient le rhéteur ou le sophiste si finement parodié. Mais à qui songeaient-ils ? À nous, critiques du xxe siècle, la chose est plus malaisée à dire.

Les discours protreptiques durent être en vogue parmi les soi-disant disciples de Socrate, puisqu’ils provoquèrent des protestations et nuisaient même à la réputation du philosophe. Xénophon, dans un chapitre des Mémorables, se crut obligé de prendre la défense de son maître et d’affirmer que Socrate n’était pas simplement un exhortateur, mais un vrai dialecticien et qu’on aurait tort par conséquent de le juger incapable de faire progresser ses disciples[2]. Xénophon, croirait-on, vise par ces termes le Clitophon. Mais comme il parle de plusieurs écrits diffamant Socrate (ὡς ἔνιοι γράφουσι), il est probable que les plaintes n’étaient pas isolées. Or, parmi ceux qui se disaient les fidèles imitateurs de Socrate, il en

  1. Platon auteur dramatique, in Revue d’Histoire de la Philosophie, I, 1927, p. 134.
  2. I, 4, 1, Εἰ δέ τινες Σωκράτην νομίζουσιν, ὡς ἔνιοι γράφουσί τε καὶ λέγουσι περὶ αὐτοῦ τεκμαιρόμενοι προτέψασθαι μὲν ἀνθρώπους ἐπ’ ἀρετὴν κράτιστον γεγονέναι, προαγαγεῖν δ’ ἐπ’ αὐτὴν οὐχ ἱκανόν, σκεψάμενοι μὴ μόνον ἃ ἐκεῖνος κολαστηρίου ἕνεκα τοὺς παντ’ οἰομένους εἰδέναι ἐρωτῶν ἤλεγχεν, ἀλλὰ καὶ ἃ λέγων συνημέρευε τοῖς συνδιατρίβουσι, δοκιμαζόντων εἰ ἱκανὸς ἦν βελτίους ποιεῖν τοὺς συνόντας.