Aller au contenu

Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
55
HIPPARQUE OU L’HOMME CUPIDE

du passage n’est-elle pas, par conséquent, polémique ? Or, comme la Constitution d’Athènes fut composée entre 328-322, il est vraisemblable que le dialogue parut peu après la publication des œuvres d’Aristote, vers 320.


Les preuves alléguées pour appuyer cette conclusion ne me paraissent pas pleinement convaincantes. On avouera tout d’abord qu’il faut vraiment de la subtilité pour découvrir des traces de stoïcisme dans Hipparque. Le thème que tout bien est un gain est socratique plutôt que stoïcien, surtout si on remarque comment la notion de bien est finalement ramenée à la notion d’utilité. Je ne vois pas la moindre insinuation qui permette de songer à la doctrine des προηγμένα.

Le fait que l’auteur accorde une large place aux recherches historiques est incontestable. Mais on reconnaît que Platon ne dédaignait pas non plus ces digressions sur les événements passés. Et nous pouvons ajouter que les Socratiques ne se faisaient pas faute, de leur côté, d’introduire au milieu de leurs développements, le souvenir des gloires anciennes. Antisthène écrivit deux dialogues intitulés Cyrus ; Eschine, un Miltiade, et, dans son Alcibiade, un fragment important qui nous a été conservé relate les hauts faits de Thémistocle[1]. Donc, si l’on constate, après Aristote et sous son influence, une prédilection pour les études d’histoire, on voit que, même avant lui, ce genre de travaux n’était pas négligé.

Quant à la prétendue référence à la Constitution d’Athènes, elle n’est nullement évidente. Si l’auteur du dialogue dépend d’Aristote, comment se fait-il que sur tant de points essentiels — presque tous —, il s’écarte si notablement de sa source ? Hipparque est décrit tout autrement par Aristote et par le pseudo-Platon. Le premier le dépeint avant tout comme un artiste, tandis que le second, sans négliger ce trait, insiste sur les qualités de gouvernement, que le soi-disant modèle prête à Hippias. Le récit du meurtre est différent des deux côtés et le dialogiste, dans l’interprétation qu’il donne du fait, ne paraît nullement songer à Aristote pour qui Thettalos, et non Hipparque, fut l’occasion du mouvement révolutionnaire.

  1. Cf. H. Dittmar, Aischines von Sphettos, Studien zur Literaturgeschichte der Sokratiker, Berlin, Weidmann, 1912, pp. 69, 268.