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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/98

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HIPPARQUE OU L’HOMME CUPIDE

Plusieurs écrits de cette époque rappellent assez le genre de composition d’Hipparque. Dans le Cyrus d’Antisthène et dans le Miltiade d’Eschine, le héros qui donne au dialogue son nom est également antérieur à l’époque où est supposée la conversation et ne paraît donc pas à titre d’interlocuteur ou de figurant. Ces deux œuvres se rattachent aussi, comme celle du pseudo-Platon à un genre littéraire très en vogue depuis l’Évagoras d’Isocrate, l’ἔπαινος en prose : le but principal des auteurs est d’amener au cours de la discussion l’apologie du personnage qu’ils veulent célébrer[1]. Signalons encore comment notre dialogue par ses caractères rédactionnels : la sécheresse et la monotonie du style, les procédés dialectiques, le choix du thème développé, s’apparente très étroitement aux fragments des Socratiques qui nous ont été conservés, ou aux discours de Socrate que nous lisons dans les Mémorables de Xénophon.

Enfin, il ne nous semble guère possible que l’Hipparque ait pu être écrit après la publication des livres de Thucydide. L’historien, nous l’avons indiqué, proteste à plusieurs reprises contre la tradition qui fait d’Hipparque le successeur de Pisistrate. Il réfute deux fois cette assertion en faisant remarquer qu’Hippias étant l’aîné, c’est ce dernier qui a hérité de la tyrannie. Or, le seul écho de cette tradition qui, à ma connaissance du moins, soit parvenu jusqu’à nous, c’est précisément Hipparque. L’auteur du dialogue, si empressé à défendre ses interprétations (voir 329 c), à critiquer celles qui paraissent diminuer le prestige de son héros, aurait-il affirmé si tranquillement et sans justifier son allégation, qu’Hipparque, l’aîné des fils de Pisistrate, occupait le pouvoir ? Après la contradiction énergique de Thucydide, aurait-il, s’il l’avait connue, maintenu son assertion, ou, du moins, n’aurait-il pas essayé de la légitimer, du moment surtout que la version de Thucydide semblait désormais acceptée, comme paraît le démontrer la narration d’Aristote ? À notre avis, le pseudo-Platon ignorait Thucydide, et comme les œuvres de ce dernier parurent, sans doute, durant la première moitié du ive siècle[2], nous devons conclure avec une assez

  1. Cf. Dittmar, op. cit., p. 178 et suiv.
  2. Thucydide n’a pas publié lui-même son œuvre. Diogène Laërce