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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/104

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LIVRE TROISIÈME.


consisterait sa vie, puisqu’elle ne se livre pas à l’action et qu’elle demeure en elle-même ?

VII. Mais, dira-t-on, l’intelligence pourrait contempler Dieu. — Si l’on admet que l’intelligence connaît Dieu, on est forcé par là d’admettre aussi qu’elle se connaît elle-même : car elle saura ce qu’elle tient de Dieu, ce qu’elle en a reçu, ce qu’elle en peut recevoir. Si elle le sait, elle se connaîtra par là elle-même, puisqu’elle est une des choses ou plutôt qu’elle est toutes les choses données par Dieu. Si donc elle connaît Dieu, elle connaît aussi les puissances de Dieu, elle connaît qu’elle en procède, qu’elle en tient sa puissance. Si elle ne peut avoir de Dieu une intuition claire, parce que le sujet et l’objet de l’intuition doivent être identiques, par cette raison même l’intelligence se connaîtra, se verra elle-même, puisque voir c’est être ce qui est vu. Quelle autre chose en effet pourrions-nous accorder à l’intelligence ? Le repos ? Le repos, pour l’intelligence, ne consiste pas à être enlevée à elle-même, mais à agir sans être troublée par rien d’étranger. Les choses qui ne sont troublées par rien d’étranger n’ont qu’à produire leur acte propre, surtout quand elles sont en acte, et non simplement en puissance. Ce qui est en acte, et qui ne peut être en acte pour rien d’étranger, doit être en acte pour soi-même. En se pensant, l’intelligence reste tournée vers elle-même, rapporte son acte à elle-même. Si quelque chose procède d’elle, c’est précisément parce qu’elle reste tournée vers elle-même, qu’elle reste en elle-même. Il fallait en effet qu’elle s’appliquât à elle-même, avant de s’appliquer à autre chose ou de produire une autre chose qui lui ressemblât : ainsi, le feu doit d’abord être feu en lui-même, être le feu en acte, pour donner ensuite à d’autres choses des vestiges de son essence. L’intelligence est donc en elle-même un acte. L’âme, en se tournant vers l’intelligence, habite en son propre sein ; en sortant de l’intelligence, elle se porte aux choses extérieures. En se tournant vers l’intel-