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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/195

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CINQUIÈME ENNÉADE.


sage et belle ; telle autre, insensée et laide. C’est donc par la sagesse que l’âme est belle. Mais de qui tient-elle la sagesse ? de l’Intelligence nécessairement : de l’Intelligence qui n’est pas tantôt intelligente, tantôt inintelligente, de l’Intelligence véritable, qui par cela même est belle[1]. Faut-il s’arrêter à elle comme au Premier principe ? Faut-il au contraire s’élever encore au-dessus d’elle ? Il le faut : car l’Intelligence ne se présente à nous avant le Premier principe que parce qu’elle est en quelque sorte placée dans le vestibule du Bien[2] ; elle porte toutes choses en elle-même et elle les manifeste, en sorte qu’elle offre l’image du Bien dans la pluralité, tandis que le Bien même demeure dans une unité absolument simple.

III. Considérons maintenant l’Intelligence que la raison nous dit être l’Être absolu, l’Essence véritable, et dont nous avons déjà par une autre voie établi l’existence.

Il semble ridicule de chercher si l’Intelligence fait partie de l’ordre des êtres ; mais il est des hommes qui en doutent, ou qui du moins sont disposés à demander qu’on prouve que l’Intelligence a la nature que nous lui attribuons, qu’elle est séparée [de la matière], qu’elle est identique aux essences, qu’elle contient les idées (εἴδη (eidê)). C’est ce que nous allons établir.

Toutes les choses auxquelles on attribue l’être sont composées ; rien n’est simple ni un, soit dans les œuvres de l’art, soit dans les productions de la nature[3]. En effet, les œuvres de l’art renferment de l’airain, du bois, de la pierre, et ne sont tirées de ces substances que par le travail de l’artiste, qui, en donnant à la matière la forme qu’il possède, en fait soit une statue, soit un lit, soit une maison. Quant aux productions de la nature, celles qui sont des composés

  1. Voy. Enn. I, liv. VI, § 6, p. 107-108.
  2. Voy. ibid., § 9, p. 113. L’expression employée ici par Plotin est empruntée au Philèbe de Platon, p. 64.
  3. Voy. Platon, Phédon, p. 36.