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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/261

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SIXIÈME ENNÉADE.


façonne la matière et crée l’âme, il y aura alors avant l’âme créée une âme créatrice.

XXVIII. L’hypothèse des Stoïciens soulève une foule d’autres objections ; mais nous nous arrêtons ici pour ne point paraître absurdes nous-mêmes en combattant une absurdité si évidente. Il suffit que nous ayons montré comment ces philosophes prennent le non-être pour l’être absolu, et donnent le premier rang à ce qui doit occuper le dernier. La cause de leur erreur, c’est qu’ils ont pris la sensation pour guide et n’ont consulté qu’elle pour déterminer les principes et le reste. Persuadés que les corps sont les êtres véritables[1] et ne voulant pas qu’ils se changeassent les uns dans les autres, ils ont cru que ce qui subsiste en eux [au milieu de leurs changements] est l’être véritable, comme on pourrait s’imaginer que le lieu est l’être encore plus que les corps parce qu’il est indestructible. Quoique dans le système des Stoïciens le lieu subsiste aussi sans subir d’altération, ces philosophes ne devaient pas regarder comme l’être ce qui subsiste de quelque manière que ce soit, mais considérer d’abord quels sont les caractères que l’être possède nécessairement et dont la présence le fait subsister sans jamais subir d’altération. Supposez en effet qu’une ombre subsiste toujours en suivant une chose qui change sans cesse, elle n’est pas plus un être réel que la chose qu’elle suit. Le sensible, pris avec les choses multiples, est, en sa qualité de tout, plus être qu’aucune des choses qu’il contient. Si ce sujet, pris dans sa totalité, est non-être, comment peut-il être sujet ? Ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que, suivant en toutes

  1. « Discrepabat [Zeno] etiam ab iisdem [superioribus] quod nullo modo arbitrabatur quidquam effici posse ab ea quæ expers esset corporis, cujus generis Xenocrates et superiores etiam animum esse dixerunt ; nec vero, aut quod efficeret aliquid, aut quod efficeretur, posse esse non corpus. » (Cicéron, Académiques, I, 11.)