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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/262

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LIVRE PREMIER.


choses le témoignage de la sensation, les Stoïciens n’aient pas affirmé aussi que l’être peut être perçu par la sensation : car ils n’attribuent pas l’impénétrabilité à la matière, parce que c’est une qualité [et que, selon eux, la matière n’a point de qualité[1]]. S’ils avancent que la matière se perçoit par l’intelligence[2], il n’y a qu’une intelligence dénuée de raison qui puisse se regarder comme inférieure à la matière et lui accorder plutôt qu’à elle-même le privilége de constituer l’être véritable. Puisque dans leur système l’intelligence est non-être, comment peut-elle mériter créance quand elle parle des choses supérieures sans avoir avec elles aucune affinité ? Mais nous avons assez longuement traité ailleurs de la nature de la substance[3].

XXIX. [Qualité.] Puisque les Stoïciens parlent de qualités, les qualités doivent être pour eux autre chose que les sujets ; sinon, ils ne les placeraient pas au second rang. Or, pour être autre chose que les sujets, les qualités doivent être simples, par conséquent n’être pas composées, c’est-à-dire ne contenir aucune matière en tant qu’elles sont qualités. Dans ce cas, les qualités doivent être incorporelles et actives : car la matière est pour les Stoïciens un sujet passif. Si les qualités au contraire sont elles-mêmes passives, la division en sujets et qualités est absurde parce qu’elle fait deux espèces des choses simples et des choses composées, puis les réunit en un seul genre ; ensuite, elle est vicieuse en ce qu’elle place une des espèces dans l’autre [la matière dans les qualités], comme si l’on divisait la science en deux espèces dont l’une comprit la grammaire, l’autre la grammaire encore et quelque autre chose de plus.

Si les Stoïciens disent que les qualités sont la matière

  1. Voy. ci-dessus p. 198, note 2.
  2. Pour la perception de la matière, Voy. Enn. II, liv. IV, § 10 ; t. II, p. 209.
  3. Voy. Enn. II, liv. IV et V ; Enn. III, liv. VI.