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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/264

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LIVRE PREMIER.


intelligence. Si elle dit une chose insensée, en affirmant qu’elle est ce qu’elle n’est point et ce qu’elle ne saurait être, à qui faut-il attribuer cette assertion insensée ? Certes on ne saurait l’attribuer qu’à la matière, si elle pouvait parler. Mais elle ne parle point, et celui qui tient un pareil langage ne le tient que parce qu’il a beaucoup emprunté à la matière, qu’il en est devenu l’esclave, quoiqu’il ait une âme ; c’est qu’il s’ignore lui-même aussi bien qu’il ignore la nature de la faculté qui peut dire la vérité sur ce sujet.

XXX. [Mode.] Il est absurde d’assigner le troisième rang aux modes, de leur donner même une place quelconque : car tous les modes se rapportent à la matière. — Mais, diront les Stoïciens, il y a de la différence entre les modes : les diverses modifications que subit la matière ne sont pas la même chose que les modes ; les qualités sont sans doute des modes de la matière, mais les modes proprement dits se rapportent aux qualités[1]. — Puisque les qualités ne sont que des modes de la matière, les modes proprement dits dont nous parlent les Stoïciens reviennent eux-mêmes à la matière et s’y rapportent nécessairement. Comment d’ailleurs les modes peuvent-ils former un genre, puisqu’il y a entre eux de nombreuses différences ? Comment ramener à une unité générique la longueur de trois coudées et la blancheur, puisque l’une est une quantité et l’autre une qualité ? Comment y ramener encore le temps et le lieu ? Comment enfin regarder comme des modes hier et jadis, dans le Lycée et dans l’Académie ? Comment le temps est-il un mode ? Ni le temps, ni les choses qui sont dans le temps, ni le lieu, ni les choses qui sont dans le lieu ne sauraient être des modes. Comment agir est-il aussi un mode, puisque celui qui agit n’est pas en lui-même un mode, mais agit plutôt dans un certain mode, ou même agit simple-

  1. Pour plus de détails sur l’opinion des Stoïciens, Voy. Simplicius, Commentaire des Catégories, fol. 42, e.