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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/267

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SIXIÈME ENNÉADE.


gation de traiter toutes ces questions, et d’abord de dire combien nous reconnaissons de genres d’êtres, et pourquoi nous nous arrêtons à ce nombre.

Traitant de l’être ou des êtres, nous devons avant tout bien déterminer ce que nous entendons par l’être, dont nous nous occupons en ce moment, et le distinguer de ce que d’autres appellent l’être, mais que nous au contraire nous appelons ce qui devient, ce qui n’est jamais véritablement être. Et encore faut-il bien comprendre qu’en faisant cette distinction, nous ne prétendons pas diviser un genre en espèces de même nature ; ce ne peut être là ce que Platon a voulu faire[1] : car il serait ridicule de réunir dans un même genre l’être et le non-être, Socrate, par exemple, et l’image de Socrate. La division que nous établissons ici ne consiste donc qu’à séparer des choses essentiellement différentes, qu’à expliquer que l’être apparent n’est pas l’être véritable, en démontrant que l’être véritable a une tout autre nature. Pour bien préciser cette nature, il faut ajouter à l’idée d’être celle d’éternité (ἀεί (aei)), et faire voir ainsi quel être a une nature telle qu’elle ne saurait jamais tromper. C’est de l’être ainsi conçu [c’est-à-dire de l’être intelligible] que nous allons traiter, en admettant qu’il n’est pas un. Ensuite [dans le livre III], nous parlerons de la génération, de ce qui devient et du monde sensible.

II. Puis donc que l’être n’est pas un, nous admettons que la conséquence est qu’il y a un nombre d’êtres déterminé ou infini. Dire en effet que l’être n’est pas un, n’est-ce pas dire qu’il est à la fois un et multiple, qu’il est une unité variée qui embrasse une multitude ? Or, il est nécessaire ou que l’un ainsi conçu soit un en tant que formant un seul genre, ayant pour espèces les êtres par lesquels il est à la fois un et multiple ; ou qu’il y ait plusieurs genres, mais que

  1. Voy. les passages du Sophiste de Platon, que nous citons ci-après p. 216-219.