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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/275

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SIXIÈME ENNÉADE.


raison [d’une forme[1]] ? Non. La substance de l’âme est une ; mais cette unité n’exclut pas la dualité, la pluralité même : car elle admet tous les attributs essentiels de l’âme. Doit-on dire que l’âme est à la fois essence et vie, ou bien qu’elle possède la vie ? — Dire que l’âme possède la vie, ce serait dire que ce qui possède n’est pas par essence doué de vie, ou que la vie n’est pas dans son essence. Si l’on ne peut dire que l’une des deux possède l’autre, il faut reconnaître que les deux ne font qu’un, ou que l’âme est une et multiple, embrassant dans son unité tout ce qui apparaît en elle ; qu’elle est une en elle-même, mais multiple par rapport aux autres choses ; que, bien qu’étant une par elle-même, elle se fait elle-même multiple par son mouvement ; que, bien que formant un tout qui est un, elle cherche à se considérer dans sa multiplicité. C’est ainsi que l’Être ne reste pas un, parce que sa puissance embrasse toutes choses comme son existence. C’est la contemplation qui le fait apparaître comme multiple, parce qu’il doit être multiple pour penser. S’il n’apparaît que comme un, c’est qu’il n’a pas encore pensé et qu’il n’est encore réellement qu’un[2].

VII. Quelles sont donc les choses que l’on voit dans l’âme et quel en est le nombre ?

Puisque nous avons trouvé dans l’âme à la fois essence et vie, que l’essence et la vie sont ce qu’il y a de commun

  1. « L’unité se dit de ce dont la notion est une, ce qui a lieu quand il y a l’unité de pensée, qui est la pensée indivisible. Or, la pensée indivisible, c’est la pensée de ce qui est indivisible soit sous le rapport de la forme, soit sous le rapport du nombre. L’être particulier est indivisible numériquement ; l’indivisible sous le rapport de la forme, c’est ce qui est indivisible sous le rapport de la connaissance et de la science. L’unité primitive est, par conséquent, celle qui est la cause de l’unité des substances. » (Aristote, Métaphysique, liv. X, chap. 1 ; trad. de MM. Pierron et Zévort, t. II, p. 119.)
  2. Voy. les mêmes idées plus développées dans Enn. III, liv. VIII, § 7-8 ; t. II, p. 223-229.