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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/308

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LIVRE TROISIÈME.


dont la nature est infinie [par la diversité des sons qu’elle comprend], en la ramenant à un nombre déterminé d’espèces[1]. Remarquant ce qu’il y a de commun entre beaucoup de sons, nous les ramènerions à une unité, puis à une unité supérieure, et à une autre supérieure encore, jusqu’à ce que nous eussions réduit ces sons à un petit nombre de classes : alors, nous appellerions espèce ce qui se trouve dans les individus, et genre ce qui se trouve dans les espèces. Pour la voix, il est facile de trouver chaque espèce, de ramener toutes les espèces à l’unité et d’affirmer de toutes [en qualité de genre ou de catégorie] ce qui est l’élément général, c’est-à-dire la voix. Mais pour les choses que nous examinons ici, il n’est pas possible de procéder

  1. Les idées que Plotin expose ici sont empruntées au passage suivant de Platon : « De même que, lorsqu’on a pris une unité quelconque, il ne faut pas jeter tout aussitôt les yeux sur l’infini, mais sur un certain nombre ; ainsi, quand on est forcé de commencer par l’infini, il ne faut point passer tout de suite à l’unité, mais porter les regards sur un certain nombre, qui renferme une certaine quantité d’individus, et aboutir enfin à l’unité. Tâchons de concevoir ceci en prenant les lettres pour exemple. On remarqua d’abord que la voix était infinie, soit que cette découverte vienne d’un dieu, soit de quelque homme divin, comme on le raconte en Égypte d’un certain Theuth, qui le premier aperçut dans cet infini les voyelles, comme étant, non pas un, mais plusieurs ; et puis d’autres lettres qui, sans être des voyelles, ont pourtant un certain son ; et il reconnut qu’elles avaient également un nombre déterminé ; ensuite il distingua une troisième espèce de lettres, que nous appelons aujourd’hui muettes : après ces observations, il sépara une à une les lettres muettes et privées de son ; ensuite il en fit autant par rapport aux voyelles et par rapport aux moyennés, jusqu’à ce qu’en ayant saisi le nombre, il leur donna à toutes et à chacune le nom d’élément. De plus, voyant qu’aucun de nous ne pourrait apprendre aucune de ces lettres toute seule, et sans les apprendre toutes, il en imagina le lien, comme une unité ; et se représentant tout cela comme ne faisant qu’un tout, il donna à ce tout le nom de grammaire, comme n’étant aussi qu’un seul art. » (Platon, Philèbe ; trad. de M. Cousin, t. II, p. 309.)