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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/322

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LIVRE TROISIÈME.

pas là une bonne manière de procéder. En effet, chaque tout diffère des autres, et le moindre degré d’être ne constitue pas une chose qui soit commune à tous ; de même que, pour la vie, il n’y a pas quelque chose qui soit commun à la vie végétative, à la vie sensitive et à la vie rationnelle[1].

Il résulte de tout ceci que l’être diffère dans la matière et dans la forme, et ces deux choses dépendent d’une troisième [de l’être intelligible], qui se communique à elles inégalement. Non-seulement, quand le second procède du premier, et le troisième du second, l’être antérieur possède une essence meilleure que l’être postérieur ; mais encore, lorsque deux choses procèdent d’une seule et même chose, on voit la même différence : ainsi l’argile [façonnée par le potier] devient ou non tuile selon qu’elle participe plus ou moins au feu [c’est-à-dire selon qu’elle est plus ou moins cuite]. D’ailleurs, la matière et la forme ne procèdent pas du même principe intelligible[2] : car les intelligibles diffèrent aussi entre eux.

VIII. Du reste, il n’est point nécessaire de diviser le composé en forme et en matière maintenant que nous parlons de la substance sensible, substance qu’il faut percevoir par les sens plutôt que par la raison. Il n’est point non plus nécessaire d’ajouter de quoi cette substance est composée : car les éléments qui la composent ne sont pas des substances, ou du moins ne sont pas des substances sensibles. Ce qu’il faut faire ici, c’est d’embrasser dans un seul genre ce qui est commun à la pierre, à la terre, à l’eau et aux choses qui en sont composées, savoir, aux plantes et aux animaux en tant

  1. Voy. Enn. III, liv. VIII, § 7 ; t. II, p. 223-224.
  2. La matière est engendrée par la Nature, qui est la puissance inférieure de l’Âme universelle (Enn. III, liv. IV, § 1 ; t. II, p. 89), et la forme par la Raison, qui est la puissance supérieure de cette même Âme (Enn. II, liv. III, § 17 ; t. I, p. 191).