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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/323

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SIXIÈME ENNÉADE.

qu’ils sont sensibles. De cette manière, nous considérerons à la fois la forme et la matière : car la substance sensible les contient toutes deux ; c’est ainsi que le feu, la terre et leurs intermédiaires sont à la fois matière et forme ; quant aux composés, ils contiennent plusieurs substances unies ensemble. Quel est donc le caractère commun de toutes ces substances, ce qui les sépare des autres choses ? C’est qu’elles servent de sujets aux autres choses, qu’elles ne sont pas contenues dans un sujet, n’appartiennent pas à une autre chose[1] ; en un mot, tous les caractères que nous avons énumérés ci-dessus conviennent à la substance sensible.

Mais, si la substance sensible n’existe pas sans grandeur ni qualité, comment en séparerons-nous les accidents ? Si nous ôtons la grandeur, la figure, la couleur, la sécheresse et l’humidité, en quoi ferons-nous consister la substance sensible ? Car les substances sensibles sont qualifiées. — Il y a quelque chose à quoi se rapportent les qualités qui font de la simple substance une substance qualifiée : ainsi, ce n’est pas le feu tout entier qui est substance, c’est quelque chose du feu, une de ses parties ; or quelle est cette partie si ce n’est la matière ? La substance sensible consiste donc dans la réunion des qualités et de la matière, et il faut dire que l’ensemble de toutes ces choses confondues dans une seule matière constitue la substance. Chaque chose prise séparément sera qualité, ou quantité, etc., mais la chose dont l’absence rend une substance incomplète est une partie de cette substance. Quant à la chose qui s’ajoute à la substance déjà complète, elle a sa place

  1. « Substance se dit des corps simples tels que le feu, la terre, l’eau et toutes les choses analogues ; en général, des corps ainsi que des animaux, des êtres divins qui ont des corps, et des parties de ces corps. Toutes ces choses sont appelées substances, parce qu’elles ne sont pas les attributs d’un sujet, mais sont elles-mêmes sujets des autres êtres. » (Aristote, Métaphysique, liv. V, chap. 8 ; trad. fr., t. I, p. 169.)