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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/334

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LIVRE TROISIÈME.

rieur, le plus fort comme postérieur. Mais les nombres, en tant que nombres, se ramènent tous à l’unité. — On peut appliquer aux grandeurs le mode de division adopté pour les nombres et distinguer ainsi la ligne, la surface et le solide ou corps, parce que ce sont là des grandeurs qui forment des espèces différentes. Si l’on veut diviser aussi chacune de ces espèces, on divisera les lignes en droites, courbes et spirales ; les surfaces, en planes et curvilignes ; les solides en corps ronds et polyèdres ; on considérera ensuite dans ces figures le triangle, le quadrilatère, etc., comme font les géomètres.

XIV. Que dirons-nous de la ligne droite ? N’est-elle pas une grandeur ? — La ligne droite est une grandeur, répondra-t-on peut-être, mais une grandeur qualifiée[1]. — Rien n’empêche qu’être droite ne constitue une différence de la ligne en tant que ligne : car être droite n’appartient qu’à la ligne, et d’ailleurs nous tirons souvent de la qualité les différences de l’essence. Si donc la ligne droite est une quantité jointe à une différence, elle n’est pas pour cela composée de la ligne et de la propriété d’être droite ; si elle en est composée, être droite est pour elle la différence propre.

Passons au triangle, qui est formé de trois lignes. Pourquoi ne serait-il pas dans la quantité ? Serait-ce parce qu’il

  1. « La qualité est d’abord la différence qui distingue l’essence : ainsi l’homme est un animal qui a telle qualité, parce qu’il est bipède ; le cheval, parce qu’il est quadrupède. Le cercle est une figure aussi qui a telle qualité : il n’a pas d’angles. Dans ce sens, qualité signifie donc la différence qui distingue l’essence. Qualité peut aussi se dire des êtres immobiles et des êtres mathématiques, des nombres par exemple : ainsi les nombres composés, et non ceux qui ont pour facteur l’unité ; en un mot, tous ceux qui sont des imitations du plan, du solide, c’est-à-dire les nombres carrés, les nombres cubes ; et, en général, l’expression qualité s’applique à tout ce qui, dans l’essence du nombre, est autre que la quantité. » (Aristote, Métaphysique, liv. V, chap. 14 ; trad. fr., t. I, p. 183.)