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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/345

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SIXIÈME ENNÉADE.

tudes [soit de la vertu, soit du vice] seront des qualités. On objectera peut-être qu’une habitude sans une différence n’est pas une qualité, que c’est la différence qui fait seule la qualité[1]. Nous répondrons qu’on dit que le doux est bon, que l’amer est mauvais ; on admet ainsi qu’ils diffèrent par une habitude [une manière d’être], et non par une qualité. — Et si l’on dit que le doux est grossier et que l’âpre est fin ? — Nous répondrons que le grossier ne fait pas connaître ce qu’est le doux, mais indique une manière d’être de ce qui est doux ; il en est de même du fin.

Il nous reste donc à examiner si la différence d’une qualité n’est jamais une qualité, comme celle d’une substance n’est pas une substance, et celle d’une quantité n’est pas une quantité. — Cinq diffère-t-il de trois par deux ? Non : cinq surpasse seulement trois de deux, mais n’en diffère pas. Comment différerait-il de trois par deux, puisque trois contient deux ? De même, un mouvement ne diffère pas d’un mouvement par un mouvement, etc. Quant à la vertu et au vice, ce sont deux choses opposées du tout au tout, et c’est ainsi qu’on les distingue. Si l’on tirait une division du même genre, c’est-à-dire de la qualité, au lieu de se baser sur un autre genre, si l’on disait, par exemple, que tel vice se rapporte aux plaisirs, tel autre à la colère, tel autre encore au soin d’acquérir, et que l’on admît qu’une pareille classification fut bonne, il en résulterait évidemment qu’il y a des différences qui ne sont pas des qualités.

XIX. Dans le genre de la qualité rentrent encore, comme nous l’avons déjà indiqué, les êtres qui sont dits qualifiés [les qualitatifs], en tant qu’il y a en eux une qualité [l’homme beau, par exemple, en tant qu’il est doué de beauté[2]]. Ces êtres n’appartiennent cependant pas propre-

  1. Voy. le passage d’Aristote cité ci-dessus p. 281, note 1.
  2. « Quant aux objets qualifiés (aux qualitatifs), ce sont ceux qui sont nommés d’après ces qualités, soit par dérivation, soit de toute autre ma-