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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/344

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LIVRE TROISIÈME.

discerne les choses par de simples intuitions, sans avoir partout recours au raisonnement, et se borne à dire : Cela est tel ou tel[1]. Il y a d’ailleurs dans chacune des opérations de l’intelligence une différence [un caractère propre et distinctif] qui lui fait discerner les unes des autres les choses différentes, sans que cette différence [propre à chacune des opérations de l’intelligence] ait elle-même besoin d’être discernée à l’aide d’une autre différence.

Les qualités sont-elles toutes des différences ou non ? — La blancheur, les couleurs, les qualités perçues par le tact et le goût, peuvent devenir des différences entre des objets divers, quoiqu’elles soient elles-mêmes des espèces. — Mais la science de la grammaire et celle de la musique, comment constituent-elles des différences ? — La science de la grammaire rend l’esprit grammairien, et celle de la musique musicien, surtout si elles sont naturelles ; elles deviennent ainsi des différences spécifiques. Il faut en outre considérer si une différence est tirée du même genre [auquel appartiennent les choses que l’on considère] ou bien d’un autre genre. Si elle est tirée du même genre, elle est pour les choses de ce genre ce qu’est une qualité pour la qualité à laquelle elle sert de différence. La vertu et le vice se trouvent dans ce cas : la vertu est telle habitude, et le vice telle autre habitude ; par conséquent, comme les habitudes sont des qualités, les différences de ces habi-

  1. Ce passage est cité par Jean Philopon : « L’intelligence et la sensation ne raisonnent pas. L’intelligence ne raisonne pas parce qu’elle est au-dessus du raisonnement. C’est pourquoi le divin Plotin a dit en parlant d’elle : Elle saisit ou elle ne saisit pas. Dans tous les cas elle est infaillible : car ou elle saisit les choses en les percevant par de simples intuitions ; ou bien elle ne les saisit pas du tout, et alors elle est encore infaillible. Quant à la sensation, elle ne raisonne pas parce qu’elle est au-dessous du raisonnement. » (Commentaire des premiers Analytiques, fol. III.) Voy. aussi Enn. I, liv. I, § 9 ; t. I, p. 46.