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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/349

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SIXIÈME ENNÉADE.

de la couleur en noir et en blanc, puis montrer que les autres couleurs sont composées de ces deux-là, ou bien distinguer une autre couleur qui fût intermédiaire, quoique composée. Si l’on dit que les couleurs intermédiaires ne sont pas contraires aux extrêmes parce que, pour que deux choses soient contraires, il ne suffit pas d’une simple différence, mais il faut une différence aussi grande que possible[1], nous objecterons que cette différence aussi grande que possible résulte de ce qu’on a déjà interposé des intermédiaires ; si l’on faisait abstraction de ceux-ci, on ne saurait plus en quoi faire consister cette différence aussi grande que possible. — Répondra-t-on que le jaune se rapproche plus du blanc que le noir, que le sens de la vue nous l’apprend, qu’il en est de même pour les liquides où le chaud et le froid n’ont pas d’intermédiaire ? Nous ne disons pas autre chose évidemment et l’on ne saurait refuser d’accorder ce point-là. Mais nous ajouterons que le blanc et le jaune et d’autres couleurs comparées l’une à l’autre de la même façon diffèrent également d’une manière complète, et sont, par suite de leur différence, des qualités contraires ; et elles sont contraires, non parce qu’elles ont des intermédiaires, mais en vertu de leur nature propre. Ainsi la santé et la maladie sont contraires quoiqu’elles n’aient point d’intermédiaires. Dira-t-on qu’elles sont contraires parce que leurs effets diffèrent le plus possible ? Mais comment reconnaître que cette différence est aussi grande que possible puisqu’il n’y a pas d’intermédiaires

  1. « On appelle contraires les choses de genres différents qui ne peuvent coexister dans le même sujet, et celles qui diffèrent le plus dans le même genre, et celles qui diffèrent le plus dans le même sujet, et celles qui diffèrent le plus parmi les choses soumises à la même puissance, enfin celles dont la différence est considérable, soit absolument, soit génétiquement, soit sous le rapport de l’espèce. » (Aristote, Métaphysique, liv. V. chap. 10 ; trad. fr., t. I, p. 173). Voy. aussi ibid., liv. X, chap. 4 ; trad. fr., t. II, p. 131.