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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/353

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SIXIÈME ENNÉADE.

qualité et l’autre en tant que quantité, elles n’en sont pas moins en elles-mêmes des espèces d’êtres ? Le même argument s’appliquera au mouvement : quoiqu’il appartienne à un sujet, il est quelque chose avant d’appartenir à un sujet, et nous devons considérer ce qu’il est en lui-même. Le relatif n’est pas ce qui est d’abord quelque chose par lui-même et est ensuite la chose d’une autre chose[1], mais ce qui naît du rapport même existant entre deux objets et n’est rien autre chose en dehors du rapport auquel il doit son nom : ainsi le double, en tant qu’il est appelé double, n’est engendré et n’existe que dans la comparaison qu’on établit entre lui et la moitié, puisque, n’étant point conçu auparavant, il doit son nom et son existence à la comparaison qu’on établit[2].

Qu’est donc le mouvement ? Tout en appartenant à un sujet, il est par lui-même quelque chose avant d’appartenir à un sujet, comme le sont la qualité, la quantité et l’essence. D’abord, rien ne s’affirme avant lui et de lui en qualité de genre. Dira-t-on que le changement (μεταϐολή (metabolê))[3] est antérieur au mouvement ? Changement est ici identique à mouvement, ou, si l’on fait du changement un genre, il formera un genre à ajouter à ceux qui ont été déjà reconnus. Ensuite, il est évident que, dans cette hypothèse, on fera du mouvement une espèce, et qu’on lui opposera une autre espèce, la génération (γένεσις (genesis)), par exemple : on dira de celle-ci qu’elle est un changement, et non un mouvement[4]. Pourquoi alors veut-on que la génération ne

  1. C’est la définition qu’Aristote donne de la relation. Voy. ci-dessus p. 160, note 2.
  2. C’est la propre doctrine d’Aristote sur ce point. Voy. ci-dessus p. 163, note 2.
  3. Plotin emploie ce terme comme synonyme de celui d’altération dont il se sert plus loin, p. 293.
  4. La génération est le changement dans la catégorie de substance. Ce qui caractérise la génération, c’est que, dans ce changement, l’être qui préexistait ne demeure pas, mais est remplacé par un autre être. Voy. Aristote, De la Génération, I, 4.