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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/379

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SIXIÈME ENNÉADE.

éprouvée par la tête. — Pourquoi donc notre âme ne perçoit-elle pas le jugement porté par l’Âme universelle ? — C’est que c’est un jugement et non une passion. En outre, la faculté qui a jugé la passion ne dit pas ; J’ai jugé ; elle s’est bornée à juger. Ainsi, en nous-mêmes, ce n’est pas la vue qui communique à l’ouïe son jugement, quoique chacun de ces deux sens ait jugé de son côté ; ce qui préside à ces deux sens, c’est la raison, qui constitue une faculté différente. Souvent aussi la raison connaît le jugement que porte un autre être et a conscience de la passion qu’il éprouve. Mais nous avons traité cette question ailleurs[1].

VII. Revenons à cette question : Comment le même principe peut-il exister en toutes choses ? — C’est demander comment chacune des choses sensibles qui forment une pluralité et occupent des places diverses peuvent cependant participer au même principe ; car il n’est pas permis de diviser l’unité en une multitude de parties ; il convient plutôt de ramener la multitude des parties à l’unité, qui ne saurait venir vers elles. Mais, comme ces parties occupent des places diverses, elles nous ont conduits à croire que l’unité est également fragmentée, comme si la puissance qui maîtrise et qui contient se divisait en autant de parties que ce qui est contenu. La main elle-même [toute corporelle qu’elle est] peut tenir un corps entier, un morceau de bois de plusieurs coudées et d’autres objets : dans ce cas, la force qui tient se fait sentir dans tout l’objet qui est tenu et ne se partage pas en autant de parties que lui, quoiqu’elle soit circonscrite par

  1. La question des rapports de l’âme particulière avec l’Âme universelle, question sur laquelle Plotin se borne ici à des Indications insuffisantes, a été traitée avec tout le développement qu’elle comporte dans l’Enn. IV, liv. III, § 1-8 ; t. II, p. 263-282. Quant à la question de la sympathie qui unit les uns aux autres tous les êtres contenus dans l’univers comme les organes d’un seul et même animal, Voy. Enn. IV, liv. IV, § 32-45 ; t. II, p. 348-407.