Aller au contenu

Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
321
LIVRE QUATRIÈME.

puisqu’il est quelque chose du corps, qu’il en est ou la passion, ou la forme. Quant à l’être qui n’est uni à aucun corps, et auquel le corps aspire à s’unir, il ne doit partager en aucune façon les passions du corps en tant que corps : car se diviser est la passion essentielle du corps en tant que corps. Si le corporel est divisible de sa nature, c’est également de sa nature que l’incorporel est indivisible. Comment en effet diviser ce qui n’a pas d’étendue ? Si donc l’être étendu participe à l’être qui n’a pas d’étendue, il participe à cet être sans le diviser ; sinon, cet être aurait de l’étendue. Par conséquent, lorsque vous dites que l’unité [de l’Être universel] est dans la multitude, vous ne dites pas que l’unité est devenue multitude, mais vous rapportez la manière d’être de la multitude à cette unité en la voyant dans toute cette multitude à la fois. Quant à cette unité, il faut bien concevoir qu’elle n’appartient à aucun individu ni à toute la multitude, mais qu’elle n’appartient qu’à elle seule, qu’elle est elle-même, et qu’étant elle-même elle ne se manque pas à elle-même. Elle n’a pas non plus une grandeur telle que celle de notre univers, ni, à plus forte raison, telle que celle d’une des parties de l’univers : car elle n’a absolument aucune grandeur. Comment aurait-elle telle grandeur ? C’est au corps qu’il convient d’avoir telle grandeur. Quant à l’Être qui a une nature toute différente de celle du corps, il ne faut lui attribuer aucune grandeur. S’il n’a aucune grandeur[1], il n’est nulle part ; il n’est pas ici et là : car de cette manière il serait en divers lieux[2]. Si donc la division par rapport aux lieux ne convient qu’à l’être dont une partie est

  1. Nous lisons τὸ τοσοῦτον (to tosouton) avec M. Kirchhoff, au lieu de τὸ τοιοῦτον (to toiouton).
  2. « Comme la permanence absolue exclut toute mesure de succession, l’immensité n’exclut pas moins toute mesure d’étendue. Il n’a point été, il ne sera point, mais il est. Tout de même, à proprement parler, il n’est point ici, il n’est point là, il n’est point au delà d’une telle borne, mais il est absolument, etc. » (Fénelon, De l’Existence de Dieu, 2e partie, chap. V, art. 4.)