Aller au contenu

Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/383

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
322
SIXIÈME ENNÉADE.

ici et une partie là, comment se diviserait l’Être qui n’est pas ici et là ? Par conséquent, l’Être incorporel doit rester en lui-même indivisible, quoique la multitude des choses aspire à s’unir à lui et y parvienne. Si elles aspirent à le posséder, elles aspirent à le posséder tout entier, en sorte que, si elles parviennent à participer à cet Être, elles participent à cet Être tout entier autant qu’elles le peuvent. Toutefois les choses qui participent à cet Être doivent participer à lui comme si elles n’y participaient pas, en ce sens qu’il n’appartient en propre à aucune d’elles. C’est ainsi que cet Être demeure tout entier en lui-même et dans les choses dans lesquelles il se manifeste ; s’il ne demeurait pas entier, il ne serait plus lui-même, les choses ne participeraient plus à l’Être auquel elles aspirent, mais à un autre être auquel elles n’aspirent pas.

IX. Si cette unité [de l’Âme universelle] se divisait en une multitude de parties telles que chacune ressemblât à l’unité totale, il y aurait une multitude d’êtres premiers : car chacun de ces êtres serait premier. Comment distinguerait-on alors les uns des autres tous ces êtres premiers, pour qu’ils ne se confondissent pas tous en un seul ? Ils ne seraient point séparés par leurs corps : car des êtres premiers ne sauraient être les formes des corps, puisqu’ils seraient semblables à l’Être premier qui est leur principe. D’un autre côté, si les choses qu’on nomme des parties étaient des puissances de l’Être universel, d’abord chaque chose ne serait plus l’unité totale ; ensuite, il y aurait lieu de se demander comment ces puissances se sont séparées de l’Être universel et l’ont abandonné[1] : car si elles l’ont abandonné, c’est évidemment en allant quelque part[2]. — Il y aurait lieu de se demander également si les puissances qui sont dans le monde sensible sont encore ou non dans l’Être universel.

  1. Nous lisons ϰαταλεποῦσαι (katalepousai) avec M. Kirchhoff, au lieu de ϰαταλείπουσαι (kataleipousai).
  2. Sur la descente de l’âme, Voy. ci-après § 16, p. 387.