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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/403

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SIXIÈME ENNÉADE.

vient à l’esprit bien avant elles, même avant cette maxime que tout aspire au bien[1]. Or, ce principe est vrai si tous les êtres aspirent à l’unité, forment une unité, tendent à l’unité. Cette unité[2], en s’avançant vers les autres choses, autant qu’elle peut s’avancer, paraît être multiple et elle le devient à certains égards. Mais l’antique nature, le désir du bien, lequel s’appartient à lui-même, mène réellement à l’unité, et toute nature aspire à posséder cette unité en se tournant vers elle-même : car le bien de la nature qui est une, c’est de s’appartenir à soi-même, d’être soi-même, c’est-à-dire d’être une. Voilà pourquoi on dit avec raison que le bien lui appartient en propre, qu’il ne faut pas le chercher hors d’elle. Comment le bien pourrait-il en effet être tombé hors de l’Être ou se trouver dans le non-être ? Il doit certainement être cherché dans l’Être, puisqu’il n’est pas lui-même non-être. Si le bien est être et se trouve dans l’Être, il est en lui-même dans chacun de nous. Nous ne sommes donc pas loin de l’Être, mais nous sommes en lui[3]. Il n’est pas non plus loin de nous. Tous les êtres ne font donc qu’un.

II. Comme la raison humaine qui entreprend d’examiner

  1. Le P. Thomassin cite ce passage en y joignant les réflexions suivantes : « Visum est Platonicis quod Deus ubique sit, id vero naturali quadam anticipatione omnium mentibus insculptum esse. Omnes enim repentino quonam casu percuisi, non judicio, sed impetu naturæ, Deum invocant, ut præsentem ubique opitulatorem… Omnes rursus non illa tantum persuasione imbuti naturaliter, sed et ingenti fiducia præsentissimi ubique vindicis innixi conquiescunt, ab ea divelli se vix ac nec vix passuri… Omnes denique ac omnia bonum ubique appetunt ; bonum autem illud non aliud est quam Deus unus et ipsum unum, omnia ad se revocando uniens. Anterior ergo est illa naturalis anticipatio conscientiæ, qua unum summum Bonum ubique esse scimus, quam concupiscentia qua ubique illud appetimus. » (Dogmata theologica, t. I, p. 245.)
  2. Il s’agit ici de l’unité de l’Essence intelligible, et non de l’Un en soi.
  3. Voy. ci-dessus, p. 306, note 1.