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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/423

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SIXIÈME ENNÉADE.

parce que ce que vous possédiez outre l’Être universel ne vous venait pas de l’Être universel (car on ne peut rien lui ajouter), mais bien plutôt de ce qui n’est pas universel. Lorsque vous devenez un être déterminé, parce que vous empruntez quelque chose au non-être, vous cessez d’être universel. Mais, si vous abandonnez le non-être, vous vous augmenterez vous-même. C’est en écartant tout le reste qu’on trouve l’Être universel ; car tant qu’on est avec le reste, l’Être universel ne se manifeste pas. Il n’approche pas de vous pour vous faire jouir de sa présence : c’est vous qui vous écartez de lui quand il n’est pas présent[1]. Il y a plus : quand vous vous écartez, vous ne vous écartez pas proprement de lui (car il continue d’être présent), vous n’en êtes pas éloigné, mais, tout en étant près de l’Être, vous vous êtes détourné de lui[2]. C’est ainsi que les autres dieux mêmes, quoiqu’ils soient présents à beaucoup d’hommes, ne se révèlent souvent qu’à un seul, parce que

  1. Le P. Thomassin cite ce passage en ces termes : « Denique immensa evadit anima et ubique esse incipit, quum mentem et emorem imprimis suum a particularibus et corporeis entibus avellens, se totum in amplexum Entis universi sive Dei transfert ; ad illud et cum illo se expandit, in illo diffunditur sine limite, et in infinito sine fine per immensum dilatatur. Amor enim rerum singularium coarctat animam, earum accessione minor evadit ; parvis et minutis adhærendo minuitur et angustatur. At ubi universo Bono sese vindicat, universa evadit et ipsa ; et toti tota adhærens ei qui ubique et ipsum ubique est, ubique et ipsa quodammodo est. » (Dogmata theologica, t. I, p. 249.)
  2. « Ô mon Dieu, si tant d’hommes ne vous découvrent pas dans ce beau spectacle que vous leur donnez de la nature entière, ce n’est pas que vous soyez loin de chacun de nous. Chacun de nous vous touche comme avec la main ; mais les sens et l’application qu’ils excitent emportent toute l’application de l’esprit… Vous vous montrez partout, et partout les hommes distraits négligent de vous apercevoir… Vous êtes auprès d’eux et au dedans d’eux ; mais ils sont fugitifs et errants hors d’eux-mêmes. » (Fénelon, De l’Existence de Dieu, I, ch. 3.)