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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/459

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SIXIÈME ENNÉADE.

et se rapporte à celui qui est en vous, il constitue un acte des nombres essentiels ou il est conforme aux nombres essentiels : car en nombrant vous produisez un nombre, et par cet acte vous donnez l’existence à la quantité, comme en marchant vous donnez l’existence au mouvement.

En quel sens donc le nombre qui est en nous [avant que nous nombrions] a-t-il un autre mode d’existence [que celui que nous produisons en nombrant] ? — C’est qu’il est le nombre constitutif de notre essence, laquelle, dit Platon, participe du nombre et de l’harmonie, est un nombre et une harmonie : car l’âme, est-il dit, n’est ni un corps, ni une étendue ; elle est donc un nombre, puisqu’elle est une essence[1]. Le nombre du corps est une essence de la même nature que le corps ; le nombre de l’âme consiste dans des essences qui sont incorporelles comme les âmes[2]. Enfin, pour les intelligibles, si l’Animal même est pluralité, s’il est une triade, la triade qui subsiste dans l’Animal est essentielle. Quant à la triade qui subsiste, non dans l’Animal, mais dans l’Être, elle est le principe de l’essence. Si vous nombrez l’Animal et le Beau, chacun des deux est

  1. Plotin ne cite pas ici Platon textuellement ; il se borne à faire allusion au célèbre passage du Timée (p. 35, éd. H. Étienne) dans lequel est décrite la formation de l’âme. Les opinions professées sur ce point par les Platoniciens ont été résumées par Jamblique dans son Traité de l’Âme, § II (Voy. la traduction de ce passage important dans notre tome II, p. 626-629). Ficin commente notre auteur en ces termes : « Essentialis quoque numerus est in anima, ex pluribus videlicet suapte natura harmonice constituta ; essentialis in Mente divina numerus, tum idearum inter se serie certa dispositarum, tum etiam partium in quavis idea suarum, tum denique super ideas Numerus ipse simpliciter. » Macrobe affirme que les Pythagoriciens regardaient la triade comme l’essence de l’âme humaine : « Ternarius vero assignat animam tribus suis partibus absolutam, quarum prima est ratio, quam λογιστιϰὸν (logistikon) appellant, secunda animositas, quam θυμιϰὸν (thumikon) vocant, tertia Cupiditas, quæ ἐπιθυμητιϰὸν (epithumêtikon) nuncupatur. » (Commentaire du Songe de Scipion, liv. I, ch. 5.)
  2. Voy. Enn. III, liv. VI, § 1 ; t. II, p. 125.