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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/46

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SIXIÈME ENNÉADE, LIVRE IV.


présente tout entière, sans subir aucune division. Elle est avec les âmes individuelles dans le même rapport que le modèle avec les images qu’il produit, et le modèle étant ici éternel, les images sont elles-mêmes immortelles.

(XI) Quoique l’Être intelligible soit partout présent tout entier, il se communique à des degrés divers, et sa présence n’est pas locale, mais intelligible, comme celle de la science dans l’âme. Comme d’ailleurs les essences sont suffisamment distinguées les unes des autres par leurs différences, rien n’empêche qu’elles ne subsistent ensemble, et l’Être intelligible qui les contient toutes est tout à la fois simple et varié, un et multiple.

(XII-XIII) De même qu’une voix se fait entendre tout entière partout, l’Âme universelle pénètre et vivifie tout, sans avoir d’extension locale. Elle est identique et en elle-même et dans les choses ; elle leur communique sa puissance une et indivisible dès qu’elles en approchent pour y participer, pour entrer dans le monde de la vie. Ce monde n’a point d’étendue. S’il était étendu, les corps n’auraient pas besoin d’y participer.

(XIV-XV) L’existence de l’Âme universelle ne détruit pas l’individualité des âmes particulières. L’Âme universelle embrasse dans son unité toutes les âmes, toutes les intelligences particulières, mais celles-ci sont distinguées les unes des autres par leurs différences essentielles, sans aucune séparation locale. Voilà pourquoi, avant de tomber dans la génération, nous étions des âmes pures, des intelligences unies au monde intelligible. Aujourd’hui même nous n’en sommes pas séparés ; mais le corps qui nous a été donné, étant disposé pour être animé, a reçu la chose à laquelle il était apte. Quoique l’Âme universelle soit présente tout entière à notre corps, il ne l’a pas reçue tout entière ; il y a participé selon sa capacité naturelle. Il n’a pas en lui une partie de l’Âme universelle, mais une puissance qui en dérive, qui constitue la nature animale et qui engendre les passions produites par l’union de l’âme et du corps.

(XVI) Il reste à montrer que cette doctrine est d’accord avec celle des anciens. Dire que l’âme descend dans le corps signifie que celui-ci participe à l’âme et à la vie, quel que soit d’ailleurs le mode de cette participation. Dire que l’âme sort du corps signifie qu’elle cesse de le faire participer à sa nature. Si l’on affirme que l’union de l’âme et du corps est mauvaise, c’est que d’universelle qu’elle était, l’âme devient particulière et n’applique plus son activité au monde intelligible, quoiqu’elle continue d’y appartenir ; comme celui qui, possédant la science entière, arrêterait son esprit sur une des notions particulières qu’elle contient, au lieu d’en considérer l’ensemble. Enfin, quand on dit que l’âme est aux enfers, cela signifie que l’âme est séparée de l’Âme universelle et unie au corps. Mais, après la destruction du corps, l’âme, revenue à sa pureté première, vit tout entière dans le monde intelligible ; son image seule descend aux enfers.