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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/548

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LIVRE SEPTIÈME.

pouvoir de penser : car pour que la Pensée pense quelque chose, il faut qu’elle ait quelque chose au-dessus d’elle. Quand elle se connaît elle-même, elle connaît ce qu’elle a reçu par la contemplation de cette autre nature. Quant à Celui qui n’a rien au-dessus de lui, qui ne tient rien d’un autre principe, que pourrait-il penser, et comment pourrait-il se penser lui-même ? Que chercherait-il, et que souhaiterait-il ? Voudrait-il connaître la grandeur de sa puissance ? Mais elle lui serait extérieure par cela même qu’il la penserait : je dis extérieure, si la puissance qui connaissait en lui différait de celle qui serait connue ; si au contraire les deux ne font qu’un, qu’a-t-il à chercher ?

XLI. La pensée semble n’être qu’un secours accordé aux natures qui, tout en étant divines, ne tiennent cependant pas le premier rang ; c’est un œil donné à des aveugles[1]. Mais quel besoin l’œil aurait-il de voir l’être s’il était lui-même la lumière ? Chercher la lumière est le propre de celui qui en a besoin parce qu’il ne trouve en lui-même que ténèbres[2]. Puisque la pensée cherche la lumière, tandis que la lumière ne cherche pas la lumière, la nature première, ne cherchant pas la lumière [puisqu’elle est la lumière même], ne saurait chercher davantage la pensée [puisque c’est la pensée qui cherche la lumière] ; penser ne saurait donc lui convenir. Quelle utilité, quel avantage lui procurerait la pensée, qui elle-même a besoin d’aide pour penser ? Le Bien

  1. Plotin fait ici allusion aux lignes suivantes de Platon : « De tous les organes de nos sens, l’œil est, je crois, celui qui tient le plus du soleil. La faculté qu’il a de voir, ne la possède-t-il pas comme une émanation dont le soleil est la source ? Et le soleil, qui n’est pas la vue, mais qui en est le principe, est-il aperçu par elle ?… Apprends-le, c’est le soleil que je veux dire quand je parle de la production du bien. Le fils a une parfaite analogie avec le père. Ce que le bien est dans la sphère intelligible, par rapport à l’intelligence et à ses objets, le soleil l’est dans la sphère visible, par rapport à la vue et à ses objets. » (République, liv. VI, trad. de M. Cousin, t. X, p. 55.)
  2. « Quand l’âme fixe ses regards sur ce