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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/549

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SIXIÈME ENNÉADE.

n’a donc pas conscience de lui-même (il n’en a pas besoin) ; il n’est pas dualité, ou plutôt il n’est pas multiple comme la Pensée qui suppose [outre l’Intelligence] un troisième terme, savoir l’Intelligible. Si la Pensée, le Sujet pensant et l’Objet pensé sont absolument identiques, ils ne font plus qu’un et ils sont absolument indiscernables ; s’ils sont distincts, ils diffèrent et ne peuvent plus être le Bien. Ainsi, il faut tout mettre de côté quand on songe à cette nature excellente (φύσις ἀρίστη (phusis aristê)), qui n’a besoin d’aucun secours. Quelle que soit la chose que vous attribuiez à cette nature, vous la diminuez d’autant, puisqu’elle n’a besoin de rien. Pour nous, au contraire, la pensée est une belle chose, parce que notre âme a besoin de l’Intelligence ; elle est également une belle chose pour l’Intelligence, parce que la Pensée est identique à l’Être, et que c’est elle qui a fait exister l’Intelligence.

Il faut donc que l’Intelligence soit unie à la Pensée, qu’elle ait toujours conscience d’elle-même, en sachant que chacun des deux éléments qui la constituent est identique à l’autre, que tous les deux ne font qu’un. Si elle était seulement unité, elle se suffirait à elle-même et n’aurait plus besoin de rien recevoir. Le précepte : Connais-toi toi-même, ne s’applique qu’aux natures qui, à cause de leur multiplicité, ont besoin de se rendre compte d’elles-mêmes, de savoir le nombre et la qualité des éléments qui les composent, parce qu’elles ne les connaissent pas complètement ou même pas du tout, qu’elles ignorent quelle puissance occupe en elles le pre-

    qui est éclairé par la vérité et par l’être, elle comprend et connaît ; elle montre qu’elle est douée d’intelligence. Mais lorsqu’elle tourne son regard sur ce qui est mêlé d’obscurité, sur ce qui naît et périt, sa vue se trouble et s’obscurcit, elle n’a plus que des opinions, et passe sans cesse de l’une à l’autre. Tiens donc pour certain que ce qui répand sur les objets de la connaissance la lumière de la vérité, ce qui donne à l’âme qui connaît la faculté de connaître, c’est l’idée du bien. » (Platon, ibid. ; tr. fr., p. 56.)