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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/55

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xlvi
SOMMAIRES.


avec leur propre prudence. Par sa présence le bien rend meilleur et satisfait. Or le plaisir ne comble pas nos désirs, il n’est donc pas le bien.

(XXVII) Le bien d’un être, c’est de recevoir de l’être supérieur une forme qui le détermine. Il s’en suit que c’est par une élévation graduelle qu’on trouve le bien propre à la nature d’un être. Le désir naît de la présence du bien ; le plaisir en accompagne l’acquisition ; mais ni l’un ni l’autre ne constitue la nature du bien.

(XXVIII) À partir de la matière, toute chose dans la nature aspire à la forme qui lui est supérieure. Quant à l’Intelligence, étant la forme suprême, elle se tourne vers le Bien, qui n’a aucune espèce de forme et qui est au plus haut degré étranger à toute matière.

(XXIX) Lors même que l’existence et la vie n’exciteraient en nous ni désir ni plaisir, elles n’en seraient pas moins bonnes par elles-mêmes. Or, si l’on reconnaît qu’elles sont bonnes, c’est qu’on a en soi une conception du Bien, conception d’après laquelle on les juge. La présence de cette idée dans l’intelligence en montre la bonté. Quel doit donc être le prix du principe qui lui est supérieur !

(XXX) On ne peut attribuer à Platon l’opinion qui fait consister le bien dans un mélange d’intelligence et de plaisir (comme il a été dit § 25). (Ce mélange est impossible. Mais comme l’état de l’intelligence qui agit avec calme et pureté est ce qu’il y a de plus désirable, on dit qu’il est mêlé de plaisir, faute de savoir mieux s’exprimer ; c’est une métaphore, comme enivré de nectar, etc.

(XXXI-XXXII) Le Bien absolu illumine par un reflet de son éclat l’Intelligence. L’Intelligence s’élève à lui immédiatement et lui reste attachée. Notre âme s’élève aussi au Bien, mais par le secours de l’Intelligence, dont elle reçoit sa vie. L’amour du beau, mis en notre âme par le Bien absolu, la porte instinctivement vers lui. Le spectacle de la beauté qui se trouve dans les objets sensibles lui fait chercher une beauté supérieure dans le monde intelligible. À sa vue elle se demande quel en est le principe, et elle conçoit que le principe de la beauté qui brille dans les idées doit n’être rien de ce qu’il produit, par conséquent, n’avoir aucune forme. Étant infini par sa puissance, le Bien est souverainement désirable et souverainement aimable ; il est le principe et la fin de l’amour, il est la puissance créatrice et la fleur de la beauté.

(XXXIII) N’ayant point de figure ni de forme, le Bien est la Beauté absolue, essentielle, indépendante de toute limite. La beauté est en raison inverse de la limitation ; elle croît donc en passant du corps à l’âme, de l’âme à l’intelligence, de l’intelligence au Bien, qui, étant la Beauté première, est exempt de toute limitation, par conséquent de toute forme, même intelligible.

(XXXIV-XXXV) Pour s’approcher du Bien et s’unir à lui, l’âme doit dépouiller toute forme, renoncer à tout le reste : alors, elle voit Dieu briller subitement en elle, sans aucun intermédiaire ; elle se confond avec lui dans cette union intime que souhaite l’amour et qui est la félicité suprême. Alors elle oublie le corps et elle ne pense plus à sa propre essence ; elle dédaigne même le monde intelligible, parce qu’il n’est que l’image du Bien. Enfin, elle contemple Dieu avec tant d’attention que la vision se confond en elle avec l’objet visible.