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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/56

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SIXIÈME ENNÉADE, LIVRE VII.


— L’intelligence a deux puissances : par l’une, elle voit ce qui est en elle ; par l’autre, elle aperçoit ce qui est au-dessus d’elle. L’une est propre à l’intelligence qui possède encore la raison ; l’autre est le privilége de l’intelligence transportée d’amour. Pour obtenir cette vision, l’âme devient d’abord intelligence, puis elle s’élève à Dieu en dépouillant toute forme.

(XXXVI) Les degrés qui conduisent à Dieu sont les purifications, les vertus qui ornent l’âme, l’élévation à l’intelligible, l’édification dans l’intelligible, enfin l’union avec la lumière divine.

(XXXVII) C’est un tort d’attribuer au Premier principe soit la connaissance des choses inférieures, soit la pensée de soi-même. Dire que la pensée rend le Bien digne de notre admiration, comme le fait Aristote, c’est supposer qu’il tient d’elle sa perfection, par conséquent, qu’il lui est inférieur. D’ailleurs, le Bien est simple, tandis que l’essence et la pensée sont multiples. Il faut donc reconnaître avec Platon que le Bien est au-dessus de l’Intelligence.

(XXXVIII) On ne doit pas même dire du Premier principe ; Il est ; ni : Il est bon, parce qu’on aurait l’air de lui attribuer l’existence, la bonté, comme des qualités adventices. Il suffit de le désigner en disant le Bien. Par la même raison, il ne dira pas de lui-même : Je suis ; ni : Je suis le Bien.

(XXXIX) Le Bien a seulement une intuition simple de lui-même par rapport à lui-même. Quant à la pensée proprement dite, elle ne saurait lui convenir parce qu’elle implique identité et différence, mouvement et repos, etc. Pour l’existence de la Providence, il suffit que Dieu soit celui dont procèdent tous les êtres. C’est l’opinion de Platon.

(XL) La Pensée n’existe pas substantiellement dans l’objet qui la produit, dans le Bien, mais dans le sujet en qui elle réside, dans l’Intelligence, qui est identique avec l’Essence. Quelle que soit l’hypothèse qu’on fasse, on est obligé d’admettre que la pensée est inférieure au Bien.

(XLI) La pensée est un secours donné aux natures inférieures pour s’élever jusqu’au Bien. Quant au Bien, il ne faut rien lui attribuer : car, dès qu’on lui donne un attribut, on le particularise, on lui fait perdre sa simplicité et son universalité. Si la première hypostase est le Bien, ce n’est pas pour elle-même qu’elle est le Bien, c’est pour les natures inférieures.

(XLII) Par cela seul que le Bien est le principe dont toutes choses procèdent, le but auquel toutes aspirent, il doit, pour leur être supérieur, ne posséder aucun de leurs caractères. C’est la doctrine enseignée par Platon.