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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/569

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SIXIÈME ENNÉADE.

n’est pas plus selon son acte que son acte n’est selon son être[1]. On ne peut donc pas dire de lui qu’il agit selon sa nature, ni que son acte et que sa vie se ramènent à son essence (si je puis ainsi parler[2]). Mais, son essence et son acte étant intimement unis et coexistant de toute éternité, il en résulte que ces deux choses constituent un seul principe, qui dépend de lui-même et ne dépend de nulle autre chose.

VIII. Nous concevons qu’en Lui la liberté n’est pas un accident ; mais, de la liberté propre aux autres êtres, nous nous élevons, par l’abstraction des contraires (ἀφαιρέσει τῶν ἐναντίων (aphairesei tôn enantiôn)), à Celui qui est la Liberté, l’Indépendance même (αὐτὸ ἐφ’ ἑαυτῷ (auto eph’ heautô)[3], πρὸς αὐτό (pros hauto)), transportant ainsi à ce principe les attributs inférieurs que nous empruntons aux êtres inférieurs [savoir à l’âme et à l’intelligence], dans l’impuissance où nous sommes de parler de lui convenablement. Tels sont en effet les termes que nous pourrions employer en parlant de lui, quoiqu’il nous soit absolument impossible de trouver l’expression propre, non-seulement pour affirmer de lui quelque chose, mais même pour dire sur lui quoique ce soit. C’est que toutes les choses qui sont belles et vénérables ne viennent qu’après lui, parce qu’il est leur principe. Toutefois, sous un autre point de vue, il n’est point leur principe, puisque nous séparons tout de lui, que nous écartons de lui, comme choses inférieures, la liberté et le libre arbitre (τὸ ἐπ’ αὐτῷ, τὸ αὐτεξούσιον (to ep’ autô, to autexousion)) : car ces termes

  1. Ὅταν ἡ οἷον ὑπόστασις αὐτοῦ ἡ οἷον ἐνέργεια ᾖ,… οὐ μᾶλλον ϰατὰ τὸ εἶναι ἡ ἐνέργεια ἢ ϰατὰ τὴν ἐνέργειαν τὸ εἶναι (Hotan hê hoion hupostasis autou ê oion energeia ê,… ou mallon kata to einai hê energeia ê kata tên energeian to einai). On voit que dans ce passage Plotin emploie τὸ εἶναι (to einai) comme synonyme de ἡ ὑπόστασις (hê hupostasis), ce qui détermine nettement le sens qu’il donne à ce dernier mot.
  2. Plotin ajoute aux termes d’ὑπόστασις (hupostasis), d’ἐνέργεια (energeia), de ζωὴ (zôê) et ὀυσία (ousia) le mot οἷον (hoion), pour montrer que, lorsqu’on les applique au Premier principe, il faut les prendre dans leur sens le plus élevé, comme notre auteur l’explique ci-après § 13, p. 519.
  3. Il faut αὐτὸ ἐφ’ ἑαυτῷ (auto eph’ heautô), et non ἐφ’ ἑαυτὸ (eph’ heauto), comme le porte le texte de Creuzer. Cette expression est également expliquée ci-après, § 13, p. 518.