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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/57

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SOMMAIRES.
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LIVRE HUITIÈME.
DE LA LIBERTÉ ET DE LA VOLONTÉ DE L’UN.

(I) Pour déterminer ce que sont en Dieu la liberté et la toute-puissance, il faut commencer par examiner en quoi consistent notre liberté et notre volonté.

On appelle volontaire ce que nous faisons sans contrainte, avec conscience de le faire ; dépendant de nous, ce que nous sommes maîtres de faire ou de ne pas faire. Ces deux choses se trouvent le plus souvent réunies, quoiqu’elles diffèrent entre elles. Il est des cas où l’une des deux manque.

(II-III) On ne peut attribuer le libre-arbitre ou ce qui dépend de nous ni au désir, ni à la sensation, ni à l’imagination : car il faut s’affranchir de ces influences pour être libre. On doit rapporter le libre-arbitre à la volonté, et la volonté elle-même à la droite raison, accompagnée de connaissance. La liberté n’appartient donc qu’à celui qui, indépendant des passions du corps, n’est déterminé dans ses actes que par l’intelligence.

(IV) Un être est libre quand il se porte au bien volontairement, en sachant que c’est le bien. Il est au contraire dans la servitude s’il n’est pas maître d’aller à son bien, s’il en est détourné par une puissance supérieure à laquelle il obéit. — L’intelligence possède donc la liberté et l’indépendance si elle agit conformément au bien.

(V) Si la liberté et l’indépendance se trouvent dans l’intelligence pure et en tant qu’elle pense, elles se trouvent aussi dans l’âme qui applique son activité contemplative à l’intelligence et son activité pratique à la vertu. L’exécution n’est pas toujours en notre pouvoir ; mais la volonté et la raison qui la précèdent échappent à toute contrainte. La liberté ne doit donc pas être cherchée dans l’activité pratique, mais dans l’intelligence qui est affranchie de l’action.

(VI) Puisque nous sommes libres quand une chose a ou n’a pas lieu selon notre volonté, que l’intelligence est maîtresse d’elle-même, que la vertu est libre et rend l’âme libre, c’est à elle qu’il faut rapporter notre indépendance et notre liberté. L’intelligence reste calme en elle-même. Quant à la vertu, si elle réprime les passions ou dirige des actions qui sont nécessaires, elle conserve son indépendance en ramenant tout à elle-même. La liberté se rapporte donc à l’activité intérieure, à la pensée, à la contemplation de la vertu. Elle appartient à l’intelligence parce qu’elle accomplit sa fonction propre tout en restant en elle-même, et que, se reposant dans le bien, elle vit selon sa volonté : car la volonté est une espèce de pensée, et son but est le bien.

(VII) L’âme est donc libre par la vertu de l’intelligence, quand elle se porte au bien sans obstacle. Quant à l’intelligence, elle est libre par elle-même.