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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/584

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LIVRE HUITIÈME.

serons en Celui qui n’a rien d’autrui, qui est uniquement Lui ? Quand les autres êtres sont isolés, ils ne se suffisent pas à eux-mêmes ; mais Lui, il est ce qu’il est, même étant isolé.

La première hypostase (ὑπόστασις πρώτη (hupostasis prôtê)) ne consiste pas dans une chose inanimée ni dans une vie irrationnelle : car une vie irrationnelle est impuissante il exister, parce qu’elle est une dispersion de la raison et une chose indéterminée. Au contraire, plus la vie approche de la raison, et plus elle est éloignée de la contingence, parce que ce qui est selon la raison ne saurait être par hasard. Or, quand nous nous élevons à Dieu, il nous apparaît comme étant, non la raison, mais ce qui est plus beau encore que la raison : tant il est loin d’être arrivé à l’existence par hasard ! Il est en effet la racine même de la raison : c’est à lui que finissent toutes choses. Il est le principe et la base d’un arbre immense qui vit par la raison : il demeure en lui-même, et donne l’être à l’arbre par la raison qu’il lui communique[1].

XVI. Comme nous admettons et qu’il semble évident que Dieu est partout et nulle part, il est nécessaire de bien saisir et de bien comprendre le sens de cette conception, en l’appliquant au sujet de nos recherches. Puisque Dieu n’est nulle part, nulle part il n’est fortuitement ; puisqu’il est partout, partout il est tout ce qu’il est. Il est donc lui-même ce qu’on nomme partout (τὸ πανταχοῦ (to pantachou)) et de toutes parts (τὸ πάντη (to pantê)) ; il n’est pas contenu dans ce qu’on nomme partout, il est cela même, et il donne l’existence à tous les autres êtres parce que tous se trouvent contenus dans Celui qui est partout[2]. Possédant le rang suprême, ou plutôt étant

  1. Sur cette comparaison, Voy. notre tome II, p. 231, note 1.
  2. Le P. Thomassin cite ce passage et le commente en ces termes : « Visum est Plotino non tam dicendum esse quod Deus ubique sit quam quod sit ipsum ubique. Non enim in rebus ipse est, sed res in ipso ; non continetur, sed continet ; fulcit, non fulcitur ; ipsi ut præexistenti accedunt omnia, ipsi incumbunt in eoque conquies-