Aller au contenu

Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/620

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
559
LIVRE NEUVIÈME.

qu’habite Vénus Uranie ; ici-bas, il n’y a que la Vénus populaire et adultère[1]. Or toute âme est une Vénus, comme l’indique le mythe de la naissance de Vénus et de l’Amour, qu’on fait naître en même temps qu’elle[2]. Tant qu’elle reste fidèle à sa nature, l’âme aime donc Dieu et veut s’unir à lui, comme une vierge qui est issue d’un noble père et qui est éprise pour un bel Amour[3]. Mais quand, étant descendue dans la génération, l’âme, trompée par les fausses promesses d’un amant adultère, a échangé son amour divin contre un amour mortel, alors, éloignée de son père, elle se livre à toute sorte d’excès ; mais enfin, elle a honte de ces désordres ; elle se purifie, elle retourne à son père, et elle trouve auprès de lui le vrai bonheur. Quelle félicité est alors la sienne, c’est ce dont ceux qui ne l’ont pas goûtée peuvent juger jusqu’à un certain point par les amours terrestres, en voyant la joie qu’éprouve celui qui aime et qui obtient ce qu’il aime. Mais ces amours mortelles et trompeuses ne s’adressent qu’à des fantômes ; elles ne tardent pas à disparaître parce que ce ne sont pas ces apparences sensibles que nous aimons véritablement, qui sont notre bien et que nous cherchons. Là-haut seulement est l’objet véritable de l’amour, le seul auquel nous puissions nous unir et nous identifier, que nous puissions posséder intimement» parce qu’il n’est point séparé de notre âme par l’enveloppe de la chair. Quiconque le connaît connaît ce que je dis[4] : il sait que l’âme vit alors d’une autre vie, qu’elle s’avance vers Dieu, qu’elle l’atteint, le possède, et, dans cet état, reconnaît la présence du dispensateur de la véritable vie[5].

  1. Voy. Enn. III, liv. V, § 4 ; t. II, p. 110.
  2. Voy. ibid., § 7-9 ; t. II, p. 114-122.
  3. Nous lisons avec M. de Kirchhoff παρθένος ϰαλοῦ [πατρός] (parthenos kalou [patros]). Plotin revient ici à la fable de l’Amour et de Psyché. Cette allusion n’est pas bien indiquée dans la traduction de Ficin qui manque tout à fait de netteté dans ce passage.
  4. Voy. le passage de Jean Philopon cité dans notre t. II, p. 245 note 2.
  5. Le P. Thomassin commente ce passage en ces termes : « Immutabilitatis, quanta