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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/679

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NOTES SUPPLÉMENTAIRES DES TOMES I ET II.

Assignant ainsi une condition moyenne à l’âme raisonnable, nous expliquons les causes en vertu desquelles elle se trouve dans un état plus ou moins parfait, et nous montrons quelle route elle doit suivre pour arriver à sa perfection. Tous ceux qui assignent à l’âme raisonnable une condition inférieure ou supérieure s’écartent de la vérité. Nous n’acceptons pas, en effet, l’opinion selon laquelle l’âme, arrivant dans un corps humide, et s’y trouvant entravée, est d’abord dépourvue d’intelligence, puis, l’humidité s’exhalant par suite d’une chaleur naturelle et se tempérant peu à peu, elle recouvre l’usage de la raison[1] : ce mode de perfectionnement est corporel et matériel, et fait dépendre la perfection de l’âme du tempérament du corps ; or, antérieurement aux éléments et avant toute génération, l’âme possède déjà l’existence substantielle et jouit d’une vie sans mélange avec le corps et avec la nature.

Nous n’acceptons pas non plus l’opinion d’après laquelle l’âme est une partie de l’essence divine, une partie semblable au tout, toujours parfaite comme lui, tandis que c’est le principe animal qui est troublé par les passions[2] : c’est supposer que l’âme est toujours parfaite, qu’elle possède toujours la science, qu’elle n’a jamais besoin de la réminiscence, qu’elle est toujours impassible et qu’elle ne se pervertit jamais. Or Platon, dans le Timée, déclare que nos âmes n’ont pas été formées des premiers genres, comme les âmes supérieures aux nôtres, mais des deuxièmes et troisièmes. Et Socrate, dans le Phèdre, dit que nos facultés ont été mélangées de bien et de mal, qu’elles sont en lutte les unes contre les autres, que les meilleures et les pires triomphent tour à tour. N’ajoute-t-il pas que le cocher lui-même conduit mal quelquefois et qu’il en résulte que plusieurs âmes deviennent boiteuses, que plusieurs perdent leurs ailes ? Or, qu’y-a-t-il de supérieur en nous à la puissance du cocher ? C’est elle qui a la réminiscence des choses divines, qui a pour ministres les facultés du second ordre et du troisième, comme cela est clairement exposé dans le Phèdre. Il faut donc, ainsi que nous l’avons dit plus haut, assigner à l’âme une condition moyenne et indiquer les voies qu’elle doit suivre pour se perfectionner, au lieu de la faire venir des corps [comme Porphyre] ou de la faire descendre du rang des dieux [comme Plotin]. » (Commentaire du 1er Alcibiade, traduit d’après l’édition de M. Cousin, t. III, p. 77-80.)

  1. Il s’agit ici de Porphyre. Voy. ses Principes de la théorie des intelligibles dans notre tome I, p. lxv-lxvi.
  2. Cette critique s’adresse à Plotin. Voy. Enn. I, liv. I, § 1 ; t. I, p. 49.