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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/688

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DES NOMBRES.

tu as également donné naissance, mais qui servent de ministres à ta puissance et à l’Intelligence que tu as enfantée la première. Enfin, tu as produit encore une troisième espèce de rois qui se plaisent, comme tu le veux, à te célébrer chaque jour dans leurs chants et te considèrent face à face. Tu es à la fois le père et la mère pleine de beauté[1] ; tu es la fleur délicate de tes enfants, tu es la forme des formes, tu es âme et esprit, nombre et harmonie[2].

DOCTRINE DE PYTHAGORE SUR LES NOMBRES[3].

Pythagore professait une philosophie dont le but était de délivrer et d’affranchir de ses entraves et de ses liens l’Intelligence qui a été renfermée en nous, intelligence sans laquelle on ne saurait apprendre ni percevoir de quelque façon que ce soit rien de sensé ni de vrai : car, disait Pythagore, « c’est l’intelligence qui voit tout, qui entend tout ; le reste est sourd et aveugle. » Or, quand l’intelligence s’est purifiée, il faut lui venir en aide. Pythagore lui venait en aide par sa méthode : il enseignait à s’accoutumer insensiblement à la contemplation des choses qui sont éternelles et immatérielles, qui demeurent perpétuellement dans un état identique et immuable, en débutant par les plus simples et en s’avançant graduellement, pour éviter le trouble d’un changement subit et immédiat, qui rebuterait et découragerait l’âme longtemps asservie à des habitudes vicieuses. Les mathématiques, l’étude des objets qui occupent un rang Intermédiaire entre les corps et les êtres incorporels (car les objets dont traite la géométrie ont trois dimensions comme les corps, et ils sont dépourvus d’impénétrabilité, comme les êtres incorporels) servaient à Pythagore d’exercice préparatoire pour conduire peu à peu l’âme à la contemplation des êtres véritables, en détournant son attention des choses corporelles qui ne restent pas deux instants de suite dans un état identique et immuable, et en l’amenant méthodiquement à désirer acquérir les connaissances qui forment sa nourriture. De cette manière, il élevait les hommes à la contemplation des êtres véritables et il les rendait heureux. Voilà pourquoi il exerçait ses disciples aux mathématiques[4].

  1. Voy. Eusèbe, Préparation évangélique, III, 9.
  2. Voy. Plotin, t. III, p. 470 et 527.
  3. Extrait de la Vie de Pythagore par Porphyre, § 46-53, éd. Kiessling. Ce morceau peut servir de commentaire à ce que Plotin dit ci-dessus des Pythagoriciens, p. 371.
  4. Voy. Plotin, t. I, p. 65-66.