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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/95

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CINQUIÈME ENNÉADE.


Mais pourquoi nommer âme plutôt qu’intelligence toute cette partie qui est supérieure à la sensation ? C’est que la puissance de l’âme consiste à raisonner et que toutes ces opérations appartiennent à la raison discursive. Mais pourquoi ne lui attribuons-nous pas la connaissance de soi-même, ce qui mettrait fin à nos recherches ? C’est que nous faisons consister la fonction de la raison discursive à considérer les choses extérieures et à en parcourir la diversité, tandis que nous attribuons à l’intelligence le privilége de se contempler elle-même et de contempler ce qu’elle a en elle-même. — Qui empêche, dira-t-on, que la raison discursive ne puisse, par une autre faculté de l’âme, considérer ce qui lui appartient ? — C’est qu’alors, au lieu de la raison discursive et du raisonnement, on aurait l’intelligence pure. — Qui empêche donc que l’intelligence pure ne soit dans l’âme ? — Rien, assurément. — Dirons-nous donc que l’intelligence pure est une partie l’âme ? — Non : nous dirons cependant qu’elle est nôtre. Elle est autre que la raison discursive ; elle est élevée au-dessus d’elle, et, d’un autre côté, elle est nôtre, quoique nous ne la comptions pas au nombre des parties de l’âme. Elle est nôtre d’une certaine manière, et elle n’est pas nôtre d’une autre manière : c’est que tantôt nous nous en servons, tantôt nous ne nous en servons pas, tandis que nous nous servons tou-

    que dans ses jugements l’âme ajoute d’elle-même un terme, il faut qu’elle possède en elle des idées ; sans cela, elle ne passerait point d’une connaissance particulière à une vérité générale ; elle n’ajouterait pas au jugement le terme qui lui manque. En présence d’images sensibles imparfaites, l’âme conçoit des images parfaites. Nous allons de la connaissance sensible, par exemple de tel ou tel objet égal, à ce qui est égal en soi et absolument. Il faut bien que nous ajoutions de nous-mêmes à l’objet égal ce qui lui manque, parce que ce qui est égal à nos yeux ne l’est pas exactement. » (Comm. sur le Phédon, dans les Fragments de Philosophie ancienne de M. Cousin, p. 418.)