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LIVRE TROISIÈME.


jours de la raison discursive ; par conséquent, l’intelligence est nôtre quand nous nous en servons, et elle n’est pas nôtre quand nous ne nous en servons pas. Mais qu’est-ce que se servir de l’intelligence ? Est-ce devenir intelligence et parler en cette qualité, ou parler conformément à l’intelligence ? Nous ne sommes pas l’intelligence : nous parlons conformément à l’intelligence par la première partie de la raison discursive, partie qui reçoit des impressions de l’intelligence. Nous sentons par la sensation et c’est nous qui sentons. Est-ce aussi nous qui concevons et qui sommes conçus à la fois ? ou bien est-ce nous qui raisonnons et qui concevons les notions intellectuelles qui éclairent la raison discursive ? C’est en effet la raison discursive qui nous constitue essentiellement. Les actes de l’intelligence nous sont supérieurs ; ceux de la sensibilité, inférieurs : pour nous, nous sommes la partie principale de l’âme, la partie qui forme une puissance moyenne entre ces deux extrêmes, tantôt s’abaissant vers la sensibilité, tantôt s’élevant vers l’intelligence[1]. On reconnaît que la sensibilité est nôtre parce que nous sentons à chaque instant. Il ne paraît pas aussi évident que l’intelligence soit nôtre, parce que nous ne nous en servons pas toujours, et qu’elle est séparée en ce sens qu’elle n’incline pas vers nous, que c’est nous plutôt qui

  1. On peut rapprocher de ces lignes le passage suivant d’Olympiodore : « Le corps est de la même essence que l’ignorance : car la connaissance unit, et le corps n’est que division. L’intelligence est la connaissance par excellence, parce que l’intelligence est essentiellement indivisible. Entre ces deux extrémités, la sensibilité est le degré le plus obscur de connaissance, puisqu’elle s’exerce seulement au moyen de ce qui est ignorant par sa nature. La raison est plus lumineuse et elle se connaît elle-même, parce qu’elle est plus indivisée. L’imagination tient en quelque sorte le milieu ; c’est l’intelligence soumise à la passion et à la division. » (Comm. sur le Phédon, dans les Fragments de Philosophie ancienne de M. Cousin, p. 431.)